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Le 12 juillet 1790, l'Assemblée Constituante vote la Constitution civile du clergé (promulguée le 24 août), visant à créer une Eglise nationale totalement indépendante de la papauté et intégrée à l'Etat, dont l'organisation serait identique à l'administration civile, autrement dit destinée à transformer les ecclésiastiques en fonctionnaires élus par l'assemblée des citoyens actifs, croyants ou non et à évincer le Pape de la nomination des évêques, ce qui ne peut être accepté par Rome. Selon Mirabeau le service des autels est une fonction publique. La religion appartient à tous, il faut que ses ministres soient à la solde de la nation. Pour plus de précision voir l'annexe en cliquant ici
Le décret d'application passe en novembre 1790 et est paraphé par le roi le 26 décembre suivant. Le serment devait être prêté 8 jours plus tard. Le 3 janvier donc. les députés du clergé, réunis à l'Assemblée prêtent serment, sous la pression des tribunes. Le 7 janvier commencent les serments en province. Ils sont répartis sur tous les dimanches de janvier et février 1791, à des dates différentes selon les diocèses. Quatre évêques seulement prêtent serment sur 134, et 24 000 prêtres sur 70 000. Les membres du clergé réguliers, c'est-à-dire les moines, non rattachés à une paroisse, considérés comme inutiles (cent mille, soit près des trois cinquièmes du clergé de l'Ancien Régime), sont soumis à une retraite forcée, ou expulsés, sauf s'ils rejoignent les rangs du clergé séculier en prêtant serment. Le clergé est alors divisé: d'un côté les prêtres constitutionnels (ou assermentés ou jureurs) ayant juré fidélité à la constitution civile du clergé, minoritaires, et de l'autre, les réfractaires (ou non-assermentés ou non-jureurs) qui persistent à reconnaître l'autorité du pape.
Le 10 mars 1791, le pape Pie VI, opposé au serment, condamne la constitution civile du clergé par le bref Quod Aliquantum et Caritas et demande aux prêtres constitutionnels de se rétracter et à ceux n'ayant pas encore prêté serment de s'abstenir.
Cependant, les prêtres réfractaires sont si nombreux qu'il apparaît comme impossible de les passer tous au "rasoir national". En mai 1792, l'Assemblée législative décrète alors l'exil hors du Royaume, c'est-à-dire en Guyanne réputée pour son climat meurtrier au 18ème siècle, ceci pour tous les insoumis. Le 21 septembre 1792, la Convention succède à l'Assemblée Législative, qui elle-même avait déjà remplacé l'Assemblée Constituante le 1er octobre 1791. La République est proclamée le lendemain. Un arrêté du Comité de salut public du 25 janvier 1794 organise le départ des prêtres réfractaires vers les ports de l'Atlantique, où ils doivent être regroupés avant leur déportation. De nombreux prêtres réfractaires sont alors emprisonnés puis acheminés en convois vers trois grands ports de l'Atlantique : Nantes (73 prêtres), Bordeaux (1494) et Rochefort (827). Beaucoups de convois sillonnent la France vers l'ouest en plein hiver. Les prêtres vont à pied ou sont serrés sur des charrettes, dans le froid, la pluie, hués, insultés, humiliés, frappés, reçoivent des jets de pierres et des menaces de mort. Dans certaines villes, comme à La Rochelle, ils sont livrés à la population et tués. Ils sont souvent systématiquement dépouillés. Dans d'autres villes, la population les prend en pitié. Certains s'agenouillent à leur passage.

Situation à Rochefort

A leur arrivée à Rochefort, les prêtres sont incarcérés dans différents endroits (prison Saint-Maurice, couvent des Capucins...) ou sur des navires (le Borée, le Bonhomme Richard, la Nourrice). La Société populaire et le Comité de surveillance (institutions révolutionnaires locales) fraîchement mises en place, avaient fait de Rochefort une ville ultra-jacobine. Lequinio et Laignelot, les représentants du peuple, envoyés par la Convention, chargés d'appliquer à Rochefort le régime de la Terreur décrété le 5 septembre 1793. avaient rempli les prisons. 52 têtes étaient tombées place Colbert, où était installée la guillotine.
Les prisons étant pleines, le Ministre de la Marine ordonne le transfert des prisonniers sur deux anciens vaisseaux négriers: Les Deux Associés et le Washington, réquisitionnés après l'abolition de l'esclavage par la Convention le 4 février 1794. Destinés à partir pour la Guyane ou les côtes d'Afrique, les bâtiments ne quittèrent cependant pas l'estuaire de la Charente. En état de naviguer, ils n'étaient donc pas de véritables pontons c'est-à-dire des navires retirés du service, déclassés et démâtés pour servir de magasin ou de prison, mais ils en remplirent les fonctions. Ces deux bâtiments à fond plat, jusqu'alors utilisés pour la traite des noirs et le transport de la chaux et du charbon, deviennent donc les lieux d'un calvaire infernal pour les prêtres réfractaires. Les prisonniers embarquent le 25 mars 1794. Les Deux Associés que le commandant Laly conduit jusqu'à l'estuaire de la Charente entre les îles d'Aix et Madame est rejoint à la mi-juin par Le Washington commandé par Gibert.
Dans un entrepont de quarante places, près de quatre cents prêtres sont entassés, ne disposant chacun que d'un demi-mètre cube. La nuit, ils doivent rester allongés sur le côté 12 heures par jour dans un air irrespirable, à même les planches, sans pouvoir se soulever puisqu'ils disposent seulement de 55 cm de hauteur. De nombreuses maladies apparaissent (gale, scorbut, typhus et dyssenterie), la vermine se propage également, tuant de nombreux prisonniers. Le matin, les matelots désinfectent les lieux avec du goudron qui dégage une odeur abominable et une fumée étouffante. Le jour, pendant des heures, ils doivent rester debout, à l'avant des navires, sous la pluie, le vent ou le soleil.
A cela s'ajoutent les brimades de l'équipage qui appliquent avec rigueur les consignes de sévérité, les aggravant même parfois par des injures, menaces, brimades physiques, une nourriture infecte. Impossible pour les prêtres de célébrer la messe ou de prier, le silence est de rigueur. Pourtant c'est en vain que les persécuteurs les empêchent d'adresser publiquement des prières, de se prosterner ou de faire le signe de croix. Le père Sébastien François, meurt à genoux, les bras en croix et les yeux levés au ciel. Les prêtres étonnent leurs bourreaux par leur patience et leur sérénité.
Les conditions sanitaires à bord finissent fatalement par se dégrader et les équipages sont également touchés par les maladies, notamment le typhus et le scorbut. Les autorités décident alors de jeter les morts à la mer, mais les cadavres, déplacés par la marée, remontent le long des rives de la Charente. Craignant que l'épidémie ne progresse, les riverains se plaignent auprès des autorités qui font alors enterrer les morts dans les vases autour de Fort Lupin, Fort Vasoux, Port des Barques et l'île d'Aix.
Cependant, l'épidémie continuant à se répandre en cet été très chaud de 1794, on envoie sur place deux chaloupes pour servir d'hôpital,, mais elles deviennent très rapidement insuffisantes. Les prisonniers valides sont transférés sur un troisième navire, l'Indien, et les capitaines des navires reçoivent l'ordre de débarquer les malades sur l'île Citoyenne, l'actuelle Ile Madame, où un hôpital de campagne composé de huit vastes tentes a été installé et où beaucoup périront. Les prisonniers apprennent la nouvelle le 15 août et baptisent l'île Ile Sainte Marie puisque c'est le jour de l'Assomption. Le débarquement se fait dans des conditions très difficiles car il faut traverser la vase pour atteindre l'île. Qu'on en juge: sur les 83 premiers prisonniers débarqués, 36 meurent dans ce transfert.
Après la chute de Robespierre, le 27 juillet 1794, les éléments les plus extrémistes de la dictature révolutionnaire sont écartés, le tribunal révolutionnaire, les clubs et associations patriotiques sont supprimés, des prisons s'ouvrent et un adoucissement de la situation se fait sentir, de la nourriture fraîche parvient aux prêtres et leurs geôliers s'humanisent peu à peu. Un semblant de liberté religieuse apparaît, les prêtres peuvent prier et chanter les psaumes, quelques uns sont libérés, mais aucune mesure collective n'est prise. Pourtant, en octobre, sur les 827 prêtres de Rochefort, il ne reste alors que 238 survivants : 36 sont morts à Rochefort, 254 sur l'île Madame et 299 enterrés dans les vases. Le 5 février 1795, grâce à quelques initiatives individuelles, notamment des interventions auprès de la Convention, les 150 prêtres encore vivants sont transférés à Saintes où ils sont enfermés dans l'Abbaye aux Dames. Bien accueillis par les habitants, mais toujours prisonniers, ils peuvent cependant célébrer à nouveau le culte et administrer les sacrements dans des oratoires privés. Les déportés de Bordeaux, d'abord transférés à Brouage, ne furent conduits à Saintes que plus tard.
Vers les années 1900, un Rochefortais, Monsieur Daunas, achète le terrain à l'entrée de l'île et découvre quatre corps alignés en croix. Pour honorer leur mémoire, on dresse, à cet endroit, une croix de galet, en souvenir des prêtres disparus, et on édifie également à l'entrée de la Passe-aux-Boeufs un calvaire où veillent Saint Pierre et Saint Paul.
>En 1910 a lieu le premier pélerinage sur l'île Madame. Depuis, chaque mois d'août, mois du transfert sur l'île, a lieu le pèlerinage entre le calvaire et la croix de galets.

Situation à Bordeaux

La Révolution et les idées du Siècle des Lumières divisent l'Eglise de Bordeaux puisque sur 759 prêtres, 418 sont assermentés. On ferme des églises et la cathédrale Saint-André devient magasin à fourrage. En 1801 le diocèse de Bazas est supprimé (à partir de 1937, l'Archevêque de Bordeaux porte aussi le titre d'évêque de Bazas).
Comme ceux de Rochefort, les prêtres doivent être déportés. Embarqués sur trois pontons: le Jeanty, le Dunkerque et le Républicain, leur destination est l'Afrique. Ils prennent la mer le 6 décembre 1794, mais, comme on l'a vu, une tempête dans l'estuaire de la Gironde les oblige à se mettre à l'abri dans l'embouchure de la Charente. A leurs frères de Rochefort ils donnent les vêtements dont ils disposent encore car ils n'ont pas été fouillés. Enfin, on les libère des pontons en avril 1795 pour être enfermés à Brouage. Oubliés là jusqu'au 30 mars 1796, ils sont ensuite transférés à Saintes puis libérés le 9 août suivant. Sur les 1494 prêtres de Bordeaux, 250 prêtres sont morts. Jean-Paul II en a béatifié 64 le 1er octobre 1995.

Situation à Nantes

Dès son arrivée à l'évêché, Mgr Le Masle entame le remplacement des curés et vicaires réfractaires. Cependant, les habitants n'acceptent pas les prêtres assermentés qui leur sont imposés, et les expulsent manu militari tout en cachant et nourrissant les réfractaires en fuite, ce qui les rend passibles de la peine de mort.
Au cours de l'été 1791, les différentes autorités départementales de Bretagne demandent que l'on prenne des mesures contre les prêtres réfractaires comme par exemple les éloigner de leurs anciennes paroisses, les réunir puis les incarcérer, interdire les processions nocturnes qui prennent de l'ampleur. A partir d'août, la citadelle de Port-Louis devient le lieu d'incarcération de tous les prêtres pris dans le Morbihan. Le mois suivant, une amnistie est proclamée, mais elle est de courte durée puisque supprimée le 19 novembre.
>L'été 1792, on décide d'exiler les réfractaires morbihannais incarcérés à Port-Louis et, en 1794, d'envoyer les prêtres morbihannais à Rochefort.
Mais, pour en revenir à Nantes, l'affaire la plus tristement célèbre est la noyade dans la Loire, en novembre et dans des conditions abominables, de 83 prêtres, noyade ordonnée par le représentant du peuple Carrier (Yolet dans le Cantal 1756, Paris 1794), alcoolique chronique. En juin 1793, il est envoyé à Rennes, puis en octobre à Nantes. Chargé de vider les prisons surchargées de la ville au prétexte que les Anglais arrivent, il imagine un procédé diabolique qu'il appelle cyniquement la déportation verticale qui consiste à embarquer les condamnés sur des barques à fonds plats que l'on coule au milieu de la Loire. Les premiers noyés sont les prêtres réfractaires. Certains s'agrippent aux bateaux: leurs bourreaux, parmi lesquels certains reconnaissent leurs anciens paroissiens, leur coupent les mains à la hache. Des milliers d'hommes et de femmes périssent dans ce que Carrier appelle la baignoire nationale. Il fait également fusiller ou guillotiner, dépassant en celà les instructions de la Convention, des centaines de personnes dans une plaine près de Nantes. Rappelé à Paris pour expliquer ses excès, il meurt, juste retour des choses, guillotiné en 1794 après Robespierre ... à la chute duquel il avait participé. Finalement, Bordeaux et Rochefort seulement auront mis en œuvre les directives du Comité de Salut Public.

Conclusion

Le 21 février 1795, l'Assemblée Nationale décide le retour à la liberté des cultes, à condition que la manifestation de ceux-ci ne trouble pas l'ordre public. Quelques prêtres réfractaires reviennent dans leurs paroisses.
En octobre 1795, la Convention ordonne cependant, après ce bref répit, la réclusion ou la déportation des prêtres réfractaires vers la Guyane. Une fois encore, ces départs n'auront pas lieu, et un décret du 4 décembre 1796 prononce enfin la libération des prêtres encore détenus.
Le 18 fructidor de l'an V (4 septembre 1797), après le coup d'Etat des républicains du Directoire (le Directoire avait remplacé la Convention dès la fin 1795) renforçant l'exécutif au détriment du législatif et dirigé contre les modérés et les royalistes devenus majoritaires aux élections, on décide de révoquer les mesures d'apaisement et de renouveler les décrets de proscription envers les prêtres. Beaucoup d'entre-eux sont envoyés à Cayenne ou internés à Rochefort, sur l'île d'Oléron ou l'île d'Aix. Les adversaires politiques sont emprisonnés ou déportés en Guyane. Cependant, le Directoire se voit obligé de suspendre les départs, les anglais ayant capturé quelques navires, et les prêtres sont entassés dans les citadelles de St-Martin-de-Ré et du Château d'Oléron.
Le 15 mars 1798 cependant, Rome est occupée par les Français. Pie VI est arrêté par le général Berthier, incarcéré à la Chartreuse Di Val Emma, puis à Turin, Grenoble et Valence o{ il meurt le 29 août 1799, et est enterré civilement.
Le Coup d'Etat du 18 brumaire de l'an VIII (9 novembre 1799) dote la France d'une nouvelle constitution (celle de l'an VIII); trois consuls sont nommés, dont Bonaparte, 1er consul. Beaucoup de prêtres émigrés rentrent en France.
En mars 1800, le conclave élit le nouveau pape: Pie VII. Celui-ci rétablit les Etats de l'Eglise et réclame les biens ecclésiastiques qui ont été confisqués par la Révolution.
Le 16 juillet 1801, le cardinal Consalvi, au nom du pape, signe le Concordat (ratifié le 5 avril 1802) qui restaure la religion catholique en France, abolit la loi de 1795 séparant l'Église de l'État et met fin aux persécutions religieuses. En retour, le Saint-Siège reconnaît la légitimité de la République.

Ces drames ne touchèrent malheureusement pas que les prêtres réfractaires. De nombreux religieux et religieuses furent également victimes de ces dramatiques évènements suite au décret du 13 février 1790 interdisant les vœux monastiques perpétuels et supprimant les congrégations religieuses à vœux solennels.
En 1794, plusieurs religieuses furent guillotinées: 4 Filles de la Charité le 28 juin à Arras, 15 Carmélites de Compiègne le 17 juillet à Paris, 32 Sacramentines et Ursulines du 6 au 26 juillet à Orange et 11 Ursulines les 17 et 23 octobre à Valenciennes. Elles sont aujourd'hui toutes béatifiées ou canonisées.
Cette lamentable page de notre histoire, comme celle des guerres de Vendée, resta pourtant longtemps ignorée, et même volontairement dissimulée aux masses, par souci de ne pas réveiller les querelles de la Révolution, et surtout afin de ne pas ternir l'image de la République. La cause aboutit par la béatification solennelle d'octobre 1995, par laquelle l'Eglise reconnut en soixante-quatre des victimes des pontons d'authentiques témoins de la foi, mis à mort volontairement, en haine de celle-ci.



Voici la liste des soixante-quatre prêtres ou religieux béatifiés

La Constitution civile du clergé


Au début de la Révolution française, l'Eglise gallicane formait, depuis le concordat de Bologne passé en 1516 entre les représentants du pape et François 1er, un corps dans la société et dans l'état un ordre qui avait ses propres tribunaux, ses lois et institutions. Elle dépendait à la fois du pape son chef spirituel dont elle se méfiait, et du roi son protecteur et elle avait toujours gardé jalousement son autonomie. La ferveur religieuse était alors en baisse, le clergé régulier décadent à bien des égards, le bas clergé souvent pauvre et sorti du peuple en opposition avec le haut clergé choisi par le roi dans la noblesse. Aux Etats Généraux le haut clergé cependant était largement minoritaire alors que le bas clergé avait envoyé à la représentation nationale surtout des curés acquis aux idées nouvelles.
Dans la lignée de la nuit du 4 août 1789 le clergé avait renoncé, le 11, à une partie importante de ses privilèges en abolissant la dîme. Après avoir nationalisé les biens du clergé le 2 novembre 1789 sur la proposition de Talleyrand, évêque d'Autun, afin de combler le déficit budgétaire du gouvernement révolutionnaire, chassé les moines (sans charge d'âmes donc inutiles, c'est-à-dire hors éducation et oeuvres caritatives) le 13 février 1790 en les autorisant cependant à renoncer à leur état en rejoignant le clergé ségulier jureur et fermé un grand nombre de couvents, l'Assemblée Constituante s'attribua l'exclusivité de la réorganisation de l'Eglise de France puisqu'autour d'elle ce n'était que bouleversements, ceci sans toutefois toucher aux questions doctrinales. Elle vota le 12 juillet 1790, après six semaimes de débats passionnés entre les députés et d'âpres discussions relatées dans les presses progressistes et conservatrices (la question avait débuté le 31 mai), et malgré les objections de divers membres de la droite, la Constitution Civile du clergé. Ses auteurs (dont l'Abbé Henri Grégoire qui fut élu évêque et devint le chef de l'Eglise Constitutionnelle de France), avocats acquis aux idées nouvelles, considéraient que le catholicisme était la religion de la nation et que les représentants de celle-ci avait le droit d'en régler l'organisation. Le "comité éclésiastique" chargé de la promulgation de la Constitution Civile du clergé, présidé par Louis-Alexandre Expilly de la Poipe (recteur de Saint-Martin-des-Champs près de Morlaix, élu député en août 1788 et qui fut le premier évêque contitutionnel sacré évêque de Qimper par Talleyrand à Paris avant d'être finalement guillotiné le 22 mai 1794), transformait les circonscriptions territoriales éclésiastiques en ramenant le nombre des évêchés de 136 (aux contours parfois extravagants) à 83, une par département, avec 10 métropoles (Paris, Rouen, Reims, Besançon, Lyon, Aix, Toulouse, Rennes, Bordeaux et Bourges). Mais elle ne se bornait pas à ces changements administratifs. Les évêques devaient être désignés par les électeurs du département, les curés par ceux des districts, l'investiture canonique étant donnée à l'évêque par le métropolitain, au curé par l'évêque, avec interdiction aux prélats de demander confirmation au pape, celui-ci recevant uniquement les avis d'élection. En outre, les évêques et les prêtres devaient être rémunérés par l'état comme de simples fonctionnaires (50.000 livres pour le métropolitain de Paris, 20.000 livres pour les autres évêques, 12.000 à 20.000 pour les curés) et tous les religieux (évêques, prêtres, moines et moniales) avaient des droits civiques les autorisant à quitter leur poste ou leur communauté. C'était le triomphe du gallicanisme, courant de pensée vivace dans la société française surtout depuis Philippe le Bel, car, dans ce système, le pape n'avait plus sa place puisqu'il n'entrait en relation avec l'Eglise de France que par l'intermédiaire d'un évêque spécialement désigné pour seulement l'assurer par lettre de la communion de celle-ci avec l'Eglise de Rome. Ainsi, l'Eglise gallicane devenait une Eglise d'état, soumise à la souveraineté nationale, alors qu'auparavant, les membres du clergé étaient soumis à la juridiction interne de l'Eglise romaine, ce qui les obligeait au célibat et les empêchait de léguer leurs biens à leur famille, d'habiter où bon leur semblait et les soumettait à des tribunaux spéciaux appelés les officialités. A la suite de ces bouleversements religieux, un décret datant du 8 octobre 1790 précisa le sort des religieux chassés des monastères par la mise à disposition de la nation des biens du clergé (on sait qui en profita). Enfin, le 27 novembre suivant, un serment de fidélité à la nation fut exigé des membres du clergé devenus fonctionnaires de l'état. La Constitution Civile du clergé s'inscrivait donc dans une logique de complète réorganisation rationnelle de l'état, à la fois géographique et administrative, et prétendait réformer les comportements du haut clergé dont les abus avaient été très largement dénoncés dans les cahiers de doléance du tiers-état ainsi que par de nombreux curés.Toute une littérature antireligieuse qui dénonçait les perversités de ce haut clergé s'était constituée au siècle des lumières avec Voltaire (Zadig, Candide, l'Ingénue), Diderot (la Religieuse), Marivaux et des écrivains libertins fort nombreux tels
Charles Pinot Duclos ou Jean-Baptiste Boyer marquis d'Argens (Thérèse philosophe). La fermeture des couvents en 1790 avait donné lieu à toute une série de récits décrivant le soulagement des filles enfermées contre leur gré ou ironisant sur les moines gras, oisifs, privés de leurs ressources.
Bien qu'acceptée par les représentants du clergé, la Constitution Civile du clergé posa d'emblé, d'insurmontables cas de conscience aux clercs et aux fidèles, divisant de façon irréversible la société française sur la question religieuse. Le roi Louis XVI fut l'un des premiers à manifester son désaccord. Le 22 juillet 1790, jour où le pape fit connaître sa position, il opposa son véto à l'application du nouveau statut qu'il ratifia cependant à regret le 24 août 1790. Dans le clergé apparurent rapidement les plus vives contestations, les prêtres ne voulant tenir leur sacerdoce que de Dieu ou de L'Eglise. C'est la raison pour laquelle l'Assemblée Constituante imposa le décret exigeant le serment d'adhésion à la Constitution le 27 novembre 1790 (et que le roi dut le signer le 26 décembre). Après la condamnation par le pape Pie VI avec le bref "Quod Aliquantum" du 10 mars 1791 confirmée par un autre (Caritas) le 13 avril, le rejet devient massif. Par ses déclarations, le pape dénoncait la rupture du concordat de Bologne et ôtait toute légitimité aux prêtres jureurs ainsi qu'aux nouveaux découpages géographiques, condamnant la Conqtitution Civile du clergé comme attentatoire à la Constitution Divine de l'Eglise qui donne au pape le droit exclusif de conférer la juridiction épiscopale, réaffirmant ainsi la primauté de l'Eglise à la fois sur le spirituel et le temporel et regrettant de voir la religion catholique abaissée au niveau de "l'hérésie protestante". La France se coupa alors en deux, les passions religieuses s'ajoutant aux passions politiques. Les régions alpines, pyrénéennes et du bassin parisien donnèrent une majorité de jureurs (ou constitutionnels) tandis que celles de l'ouest, du centre, du nord et de l'est rejettèrent massivement la Constitution Civile. Au début de 1791, plus de la moitié du bas clergé n'avait pas juré ainsi que 80 évêques bien que sept évêques avaient prêté serment dont Talleyrand qui accepta seul de sacrer les évêques non jureurs dès février 1791 (tels les évêques de Quimper et de Soissons le 24), Loménie de Brienne, et Gobel, archevêque de Paris, qui consacra d'un coup 36 évêques, ce qui ne l'empêcha pas d'être guillotiné avec Hébert. Furent ainsi élus 80 évêques ainsi que 20.000 prêtres environ pour remplacer les réfractaires. Le 29 novembre 1791, l'Assemblée législative décréta que ceux-ci seraient tenus pour suspects, donna aux administrateurs locaux la possibilité de les arracher de leur domicile en cas de trouble et commença les persécutions sans pour autant épargner l'Eglise constitutionnelle elle-même qui cessa d'être rétribuée sous le Directoire. En mai 1792, l'Assemblée Législative décida d'expulser le clergé réfractaire, ce qui fut mis en oeuvre après la chute de la monarchie. Simultanément au développement du culte de la raison et de l'être suprême, des mesures de déchristianisation se poursuivirent avec la fermeture des églises qu'on se disputait dans les paroisses où le conflit était descendu au niveau des fidèles, du 31 mai 1793 jusque vers novembre 1794. Au Concordat de 1801, les évêques constitutionnels cessèrent leur fonction mais quelques uns, après une vague rétractation, furent intégrés dans le clergé concordataire ainsi que leurs prêtres.

       la congrégation de Saint-Maur     Montfaucon