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Cette congrégation bénédictine fut autorisée par Louis XIII, fondée à Paris en 1618 et approuvée par Grégoire XV en 1621, puis Urbain VIII en 1628, suite à la nécessité d'une réorganisation de la vie monastique en France après les guerres de religion.
Les moines lorrains de la congrégation de Saint-Vanne, à Verdun, avaient commencé leur réforme dès 1613 dans un certain nombre de monastères du royaume, et c'est grâce à l'action de leur prieur du collège de Cluny à Paris, dom Laurent Bénard, que cette nouvelle congrégation vit le jour et se mit sous le patronage de Saint Maur (on croyait alors que celui-ci avait introduit la règle de Saint Benoît en France).
S'était en effet posée également la question de la fidélité à la couronne, qui avait ainsi trouvé rapidement une solution dans la création de cette congrégation bénédictine française. Celle-ci allait absorber assez vite les mouvements similaires déjà existants, sauf l'ordre de Cluny qui ne restera pas uni à Saint-Maur durablement. De 1618 à 1645, 88 monastères vont s'y agréger. Leur nombre atteignait 178 en 1675, 191 en 1766, (plus de 20 seront fermés à partir de 1770), avec 1956 religieux. Au total, la congrégation aura, entre 1618 et 1790, 9261 religieux.
Richelieu, qui étendait partout son autorité, obtint en 1629 le titre d'abbé de Cluny et tenta de fusionner l'ordre de Cluny et la nouvelle congrégation, mais sa mort (1642) fut suivie de la séparation des deux ordres, séparation souhaitée par le premier supérieur général de la congrégation de Saint-Maur, Dom Tarisse (Cliquez pour plus de précisions).
L'organisation mauriste était celle de la congrégation de Saint-Vanne qui avait elle-même repris la pratique de la congrégation du mont Cassino. Adaptée, cette organisation fut définie en 1645.
Les textes législatifs mauristes sont les "déclarations" qui interprètent la règle de Saint-Benoît chapitre après chapitre et les "constitutions" qui définissent ce qui concerne le gouvernement de la congrégation. Celle-ci était divisée en six provinces : Normandie, Bretagne, France, Bourgogne, Toulouse et Chezal-Benoît. Dans chacune de ces provinces, elle disposait d'un "visiteur", d'une diète provinciale regroupant tous les ans les prieurs, d'un "conventuel" élu, d'un noviciat et d'un scolasticat. Chaque monastère était administré par un prieur assisté d'un chapitre conventuel et d'un conseil de quatre "sénieurs".
L'autorité appartenait au chapitre général qui réunissait tous les trois ans les représentants et dignitaires des six provinces autonomes. Au cours de ce chapitre, les prieurs claustraux qui administraient les monastères étaient élus ainsi que les "visiteurs" et le supérieur général qui résidait à Saint Germain des Prés devenu en 1631 le chef-lieu de la congrégation. Ces supérieurs, contrairement à la règle des anciens usages monastiques, n'étaient élus que temporairement et les moines pouvaient se déplacer d'un monastère à un autre. Ces nouvautés favorisaient la réforme des monastères et profitaient à l'efficacité de la congrégation, les moines mauristes gardant l'esprit bénédictin. Ainsi, il s'ensuivra nécessairement une uniformisation des pratiques monastiques dans tous les monastères mauristes.
On peut se demander pourquoi une telle organisation. Il y avait à cela principalement deux raisons:
C'était d'abord pour faire face au mal contre lequel toute résistance des moines s'était avérée inutile, représenté par la commende (cliquez sur le mot pour plus de détails) qui consistait en l'attribution de l'abbatiat par le roi à un clerc non moine, sans que les communautés aient quoi que ce soit à objecter depuis le concordat de Bologne, en 1516, par lequel le pape abandonnait au roi de France la nomination à toutes les abbayes du royaume.
Autrement dit, c'était pour échapper à l'ingérence des commendataires qu'il fallait établir des prieurs détenant le gouvernement des monastères et ne dépendant en aucune façon de ces commendataires.
C'était ensuite pour conserver la régularité dans les monastères et échapper à la détention des charges assimilées à des biens personnels.
L'idée première n'était pas d'entreprendre des travaux littéraires et historiques, mais de revenir à un régime monastique strict et à l'accomplissement fidèle de la vie bénédictine; et tout au long de la période la plus glorieuse de l'histoire des Mauristes, le travail d'érudition de ceux-ci ne les libérait pas de l'exécution obligatoire de l'office du chœur et des autres devoirs de la vie monastique.

Le plus grand nombre des abbayes unies dans la congrégation étaient plusieurs fois centenaires (par exemple, Cluny avait été fondé en 910) et même quelques unes millénaires. Elles recélaient de précieuses archives, manuscrits et documents, nombreux et remarquables. Suite au mouvement qui avait porté les humanistes de la renaissance à rechercher les oeuvres littéraires du passé et les protestants à remonter aux souces scripturaires, dom Tarisse (Cliquez pour plus de précisions) comprit que les moines, qui n'avaient plus à se livrer au travail de la terre, désormais assuré par d'autres, ni à copier des livres, travail relevant de l'imprimerie naissante, pouvaient être utiles à l'Eglise par un travail scientifique. Aussi orienta-t-il les activités de ses moines vers l'étude et constitua-t-il, au sein de la congrégation, une équipe de savants érudits. Les pionniers dans leur production ont été Ménard et Luc d'Achery (Cliquez pour plus de précisions) et ils furent suivis d'une foule d'autres savants tels Ruinart, Liron (Cliquez pour plus de précisions), Morice, Sainte-Marthe, Maur Dantine, Martène, Wartel, Ambroise Janvier, Deschamps, Luc d'Achery, Mabillon, Clément, Brial, Bouquet, Toustain, Tassin, Montfaucon, pour les plus connus, dont l'efficacité et l'incroyable activité intellectuelle furent exceptionnelles durant plus d'un siècle.
Les progrès accomplis depuis leur disparition se sont pour beaucoup appuyés sur leurs travaux qui, en leur temps, furent salués unanimement par le monde savant, la royauté et la papauté. Pourtant, les bénédictins eurent des contradicteurs, notamment à propos de leur édition des oeuvres de Saint Augustin, à laquelle des théologiens reprochaient de ne pas donner un texte plus conforme à leurs propres vues. Mais le pape approuva le travail des mauristes contre leurs adversaires.
Gigantesque entreprise d'érudition, la congrégation de Saint-Maur maintint en vie de nombreux monastères sous l'Ancien Régime, et sa prospérité a laissé des traces dans les grands et somptueux édifices qui reçurent des destinations diverses après la Révolution française. La mort de Montfaucon en 1741 marque cependant un ralentissement des activités intellectuelles de la congrégation, dont le développement le plus riche s'étend de 1660 à 1714.
De 1718 à 1735, la congrégation connaît une grave crise due aux rivalités internes et externes et aux discussions théologiques, ainsi que de 1754 à 1783, le pouvoir royal venant alors directement s'immiscer dans le règlement de celle-ci. Vers la fin du XVIIIe siècle, rationalisme et libre-pensée semblent avoir envahi quelques-uns de leurs établissements.
Vers 1700, la congrégation regroupait presque 200 monastères, et pourtant elle disparut en 1790, alors qu'elle dirigeait une trentaine de collèges et d'écoles paroissiales. Déjà, en 1776, six collèges, dont celui de Sorèze est le plus connu, avaient été transformés en écoles militaires.
C'est que la congrégation de Saint-Maur n'échappa pas au mouvement général de relâchement de l'observance monastique favorisé par la querelle des appelants (1720-1736), beaucoup de mauristes ayant adhéré au jansénisme et noué des liens d'amitié avec ses principales figures dont ils appréciaient l'austérité. Cependant, la plupart d'entre-eux, y compris presque tous les plus grands noms, dont Montfaucon, suivirent une voie moyenne, s'opposèrent à la théologie morale relâchée, condamnée en 1679 par le pape Innocent XI, et gardèrent des opinions traditionnelless sur la grâce et la prédestination associées aux écoles augustinienne et thomiste de la théologie catholique romaine. Ils étaient d'ailleurs, comme toutes les écoles et les facultés de théologie sur le sol français, tenus d'enseigner les quatre articles gallicans. En outre on ne peut nier que la paresse et l'ignorance aient été, pour les moines, des facteurs supplémentaires de décadence bien plus importants que l'amour excessif du travail intellectuel. De 1917 qu'ils étaient en 1766, il n'en restait que 1624 à leur disparition. Il n'en demeure pas moins que, si la congrégation n'a pas eu de saints ni de bienheureux, sauf les martyrs de septembre, elle a eu en son sein un grand nombre de "justes", à la vie austère et exemplaire, dont la biographie édifiante a été conservée par Dom Martène dans sa «Vie des justes» et aussi dans son «Histoire de la congrégation de Saint-Maur». Ses moines étaient pour la plupart des hommes issus de la bourgeoisie vertueuse et austère, marquée par la réforme catholique de l'invraisemblable concile dit de Trente (du 13 décembre 1545 au 5 décembre 1563) et mise en application en France dans la première moitié du XVII ième siècle.

Le dernier supérieur général de l'ordre, Dom Ambroise Chevreux, fut guillotiné aux Carmes à Paris le dimanche 2 septembre 1792, avec 40 de ses moines. Beaucoup d'autres moururent sur les pontons de Rochefort en 1794. Les survivants sauvèrent cependant nombre de bibliothèques et de monuments; plusieurs continuèrent leurs travaux, d'autres trouvèrent des situations nouvelles, parfois inattendues, mais jamais les tentatives pour reconstituer la congrégation ne purent aboutir.

La bibliographie mauriste contient, en tout, les noms de quelque 220 auteurs et plus de 700 œuvres et pourtant, ce qui a été produit n'est qu'une petite partie de ce qui avait été envisagé et préparé. Il s'agit donc là d'une production prodigieuse quand on songe qu'elle fut le produit d'une seule société. Comme on le voit, l'expression: "c'est un travail de bénédictin" n'est pas un vain mot. Les qualités qui ont rendu proverbial le travail d'érudition de ces moines sont leur sens critique et leur rigueur.
La Révolution française ayant mis fin brutalement à de nombreuses entreprises, il en reste cependant des matériaux qui constituent des centaines de volumes de manuscrits à la Bibliothèque nationale de France et ailleurs. Ainsi, on trouve à Paris 31 volumes dus à Berthereau pour les historiens des croisades. Ils ne sont écrits ni en latin ni en grec, mais dans les langues orientales. C'est d'eux qu'a été tiré le «Recueil des historiens des croisades» dont 15 volumes ont été publiés par l'Académie des inscriptions et belles-lettres. Dom Cafflaux et Dom Villevielle ont laissé 236 volumes pour un Trésor généalogique. On trouve aussi les travaux préliminaires pour une édition de Rufin et une d'Eusèbe de Césarée, et pour la continuation des «Lettres pontificales» et des «Concilia Galliæ». A cela s'ajoutent le «Monasticon Gallicanum» et le «Monasticon Benedictinum» (54 vol.), les «Antiquités bénédictines» (37 vol.), et ce qui avait été collecté pour le reste remplirait 800 volumes de manuscrits. Enfin, les matériaux pour une géographie de la Gaule et de la France en 50 volumes ont disparu dans un incendie au cours de la Révolution.

       la congrégation de Saint-Maur     Montfaucon