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Le moine bénédictin Dom Bernard de Montfaucon (Cliquez sur son nom pour voir son portrait !) (1655-1741) fut l'un des savants érudits les plus distingués qu'ait produit la congrégation de Saint-Maur.
Formidable autodidacte, doué de prodigieuses capacités intellectuelles, Bernard de Montfaucon a été, sans conteste, l'un des hommes les plus connus de son temps, et une célébrité internationale, l'Europe savante toute entière entretenant avec lui des relations épistolaires. Moine pieux, travailleur infatigable, il fonda l'archéologie en tant que science en appuyant l'histoire non seulement sur les textes, mais aussi sur les monuments et vestiges du passé. Pourquoi donc est-il si peu connu de nos jours ? Car il semble bien qu'il soit presque partout très injustement oublié.
Il naquit le samedi 16 janvier 1655, (mais certains disent que c'est le 13, d'autres le 17 ou le 21), l'année même où Christian Huyghens découvrit les anneaux de Saturne), au château de Soulatge, petite commune du canton de Mouthoumet dans le sud des Corbières, dans l'Aude cathare, proche des célèbres gorges de Galamus, du Château de Peyrepertuse, et, au delà, du Château de Quéribus. On le baptisa le 21 janvier de la même année, dans la chapelle du château, aujourd'hui Eglise paroissiale. Une lettre écrite par sa sœur, au lendemain de sa mort, et conservée à la Bibliothèque Nationale à Paris, nous renseigne sur la date de sa naissance. Une autre correspondance entre Bernard de Montfaucon et le comte de Crassier confirme de façon indiscutable la date de 16 janvier 1655. "Je suis, dit Bernard de Montfaucon, au milieu de ma 86 ième année, né l'an 1655 le seizième de Janvier".
Son père, Timoléon de Montfaucon, était seigneur de Roquetaillade (il ne faut pas confondre ce château qui est dans l'Aude avec celui d'Aquitaine en Gironde), de Conilhac-du-Razès, Corneilla, Quilognac et depuis peu de Soulatgé. Ceci explique pourquoi on a dit à tort que Bernard de Montfaucon naquit à Roquetaillade. En effet, le livre des baptisés du lieu de Soulatgé contient l'acte de baptême du futur Dom Bernard. En voici le texte :
"Le 21 Janvier 1655 fut baptisé Bernard de Montfaucon, fils de noble Timoléon de Montfaucon, seigneur de Roquetaillade et de damoiselle Flouveu Maria (Flore de Maignan), mariés. Fut parrain noble Bernard de Casamajour, seigneur de la Rocque, et marraine damoiselle Marguerite de Pompadour, par le Sr Floïs, vicaire".
Si Montfaucon était né à Roquetaillade, il n'aurait pas été baptisé 5 jours plus tard à Soulatge, alors que c'était l'hiver. Quoi qu'il en soit, c'était un "Capricorne", par sa naissance et par sa mort, et un verseau, par son baptême.

                 l'église

Bernard de Montfaucon passa ses premières années au château de Roquetaillade , résidence habituelle de sa famille, puis il fut envoyé à Limoux dès l'âge de 7 ans au collège des pères de la doctrine chrétienne, mais s'évada bientôt, dit-on, pour échapper aux vexations d'un professeur, et retourna à pied au château de son père.

Vers 15 ans, il dévorait durant 7 à 8 heures par jour les livres dont il disposait, en particulier ceux de la bibliothèque de Nicolas Pavillon, évêque d'Alet. A 17 ans, il possédaient déjà d'impressionnantes connaissances en histoire et en géographie et pratiquait couramment plusieurs langues. Ses lectures de Plutarque et de toute une série de livres de la bibliothèque paternelle lui firent embrasser la carrière des armes. Il fut admis à 17 ans, en 1672, dans le corps des Cadets de Perpignan, perdit son père à la fin de cette même année et dut rester à Roquetaillade jusqu'à l'année suivante 1673, époque à laquelle il entra, comme volontaire, dans le régiment du Languedoc commandé par un de ses parents, le marquis d'Hautpoul , et partit en Allemagne alors qu'il avait à peine 18 ans comme capitaine des grenadiers. Il fit deux campagnes sous les ordres de Turenne, participa à la bataille de Marienthal et tomba gravement malade à Saverne (en Alsace).
Le marquis d'Hautpoul, blessé à mort sur le champ de bataille à Strasbourg, lui conseilla d'abandonner la vie des camps. Il considéra ses conseils comme des ordres et revint à Roquetaillade. En effet, au cours de sa maladie contagieuse il avait fait (d'après ses sœurs) le vœu à N.D. de Marceille (près de Limoux) de donner à sa chapelle la somme de 100 livres et de se faire bénédictin si, par bonheur et par son intercession, il revenait dans son pays. Son vœu fut exaucé et malgré tous les obstacles, il rentra dans sa famille.

     les gorges de Galamus   Après le décès de son père au château de Roquetaillade, celui de sa mère, qui suivit de près son retour, le laissa dans un grave état dépressif, et il renonça au monde, prit l'habit de Saint Benoît en 1675, au monastère de la Daurade à Toulouse, où il apprit le grec, l'hébreu, le chaldéen, le syriaque et le copte.

Il y fit profession l'année suivante, le samedi 16 mai 1676. Il enseigna ensuite à Sorèze et deux ans après à l'abbaye de Lagrasse dans l'Aude, où se trouvait son parent Balthazar de Monfaucon, et où il resta 8 années pendant lesquelles il entretint une active correspondance avec son supérieur général Dom Claude Martin. Il s'y perfectionna en grec. Claude Martin, mort en 1696, le fit envoyer en 1686 à l'Abbaye Ste Croix de Bordeaux où il apprit l'hébreu, puis à Paris, en 1687 aux Blancs-Manteaux puis à Saint-Germain-des-Prés où ses supérieurs l'établirent gardien des médailles de l'abbaye.
C'était un homme persévérant, fougueux et avide de connaissance, à l'esprit vif, sûr de lui et de son talent. Entouré d'un groupe de savants, ("l'Académie des Bernardins"), il publia des éditions des œuvres des pères de l'Eglise grecque: Saint Athanase (1698 et qui lui valut les félicitations de Bossuet), de Saint Jean Chrysostome (achevé en 1718 et préparé avec l'aide de François Faverolles, trésorier de St-Denis et de quatre moines bénédictins qui ont passé treize ans à la collecte de 300 manuscrits) et d'Origène (1713) et se lia avec Du Cange sous la direction duquel il travailla un moment.
Dom Bernard de Montfaucon (Cliquez sur son nom pour voir un deuxième portrait !) avait commencé ses travaux d'érudition grecque et latine bien avant son départ pour l'Italie avec Dom Paul Briois (1698), qu'il parcourut en tout sens à la recherche de manuscrits pour la publication des œuvres de Saint Jean Chrisostome, et où il fut un moment procureur de son ordre à la suite de la mort de son prédécesseur Dom Estiennot. Il visita les villes et les monastères les plus remarquables. A Milan, il rencontra Muratori et à Venise, il fut reçu très froidement et ne fut même pas autorisé à consulter les manuscrits des monastères bénédictins San Giorgio Maggiore et San Marco. Il passa par Mantoue et Ravenne et fut reçu avec distinction à Rome par le pape Innocent XII qui avait facilité son voyage, mais il y fut en but à la jalousie de Zacagni sous-bibliothécaire au vatican et soutint des luttes contres les jésuites, luttes qui lui laissèrent un goût amer (il écrira qu'à Rome il n'avait rien de plus à faire que surveiller les jésuites). Enfin, en dépit de l'attachement que lui témoignait le nouveau pape Clément XI, il rentra en France en juin 1701 chargé des notes de son compagnon décédé sur le trajet.
A partir de ce moment, il résida à Saint-Germain-des-Prés où il passa les quarante dernières années de sa vie, entouré d'un corps de savants disciples, dont l'affection pour leur maître les a poussés à prendre le nom de «Bernardins». Parmi ceux-ci on remarque Dom Claude de Vic et Dom Joseph Vaissette, les auteurs de «l'Histoire de Languedoc», le helléniste Dom Charles de la Rue (son disciple favori), Dom Lobineau, l'historien de Bretagne, et même l'Abbé Prévost, qui était alors un collaborateur sur le «Gallia Christiana» .
En 1719, il avait été nommé, par le Régent Philippe d'Orléans, membre de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, même en l'absence de toute place vacante. C'est cette même année qu'il étudia la sépulture mégalithique de Cocherel (Eure).
A la mort (1719) du père Le Tellier, jésuite, ancien confesseur de Louis XIV, Bernard de Montfaucon fut élu à sa place, aux applaudissements de tous les savants de France et de l'étranger.

       le Quéribus  

C'est au 18 ième siècle, peut-être, qu'apparaissent les antiquaires les plus célèbres. Ils ont laissé des œuvres qui sont encore des références fondamentales. La compréhension de l'architecture antique fait alors des progrès déterminants, surtout avec la publication à partir de 1719 par Bernard de Montfaucon de "L'Antiquité expliquée et représentée en figures", œuvre exceptionnelle autant par ses dimensions, (19 volumes), que par l'ampleur de l'érudition de l'auteur qui y présente pour la première fois l'antiquité grecque et l'antiquité romaine en commun. C'est durant cette période, (en 1723), qu'il explore le site d'Olympie avec l'archevêque de Corfou.
C'est dom Bernard de Montfaucon qui est le fondateur de la paléographie avec la publication, en 1707, de «Paléographia Graeca». C'est lui qui a inventé le mot "Paléographie" qu'il emploie pour la première fois dans une lettre datée du samedi 14 janvier 1708 en lui donnant une signification très large qui englobe à la fois la codicologie et l'étude des écritures livresques.
Il distingue deux grandes catégories d'écritures : l'onciale, faite des "majuscules", dont il emprunte le nom aux latinistes et qu'il connaît mal, les exemples en étant rares à Paris, et les écritures liées, faites des "minuscules", dont il a une connaissance incomparable, le Cabinet du roi et la collection du duc de Coislin, provenant du chancelier Pierre Séguier, fin lettré, étant d'une richesse inépuisable sur ce point.

Dom Bernard de Montfaucon (Cliquez sur son nom pour voir un troisième portrait !) mourut brutalement le jeudi 21 décembre 1741 à Saint-Germain-des-Prés où il fut enterré dans la grande chapelle de la Vierge. Son corps, transféré pendant la Révolution dans le jardin du Musée des monuments français, fut rapporté, en 1819, dans une chapelle abbatiale de l'Eglise Saint-Germain-des-Prés à Paris (il s'agit de la chapelle Saint Benoît à droite du Chœur, deuxième chapelle après la sacristie et marquée de rouge sur le ( plan ci-joint), à côté de René Descartes (enterré là depuis 1819) qui est coïncé entre lui et Mabillon, mauriste également. Trois plaques funéraires en lettres d'or sur marbre noir indiquent ces trois sépultures. Montfaucon et Mabillon sont les seuls moines de Saint-Maur à posséder une telle plaque funéraire et une inscription, ceci allant à l'encontre de la règle de Saint-Maur. Ils ont tous deux leur épithaphe conservé au musée des Monuments Français. Gros de Boze fit l'éloge funèbre de Montfaucon à la séance de l'Académie du 3 avril 1742. Au 19 ième siècle, Gueslin a fait de Montfaucon un portrait d'apparat, à l'huile, et B. de M. Oliva un buste en marbre blanc conservé au musée de Narbonne. A noter aussi le portrait de Montfaucon réalisé par C. Prévost et conservé au musée des Beaux-Arts de Carcassonne. On notera enfin qu'à proximité de l'Eglise Saint-Germain-des-Prés une rue de Paris (anciennement rue de Bissi) est dédiée à la mémoire de Montfaucon ( Cliquer ici pour voir l'emplacement en grossissant la carte à son maximum).
Ses autres œuvres d'érudition sont : «Analecta Graeca» (1688); «Collectio nova et scriptorum graecorum» (1706), «Monuments de la monarchie française, qui comprennent l'histoire de France, avec les figures de chaque règne» (5 volumes de gravures, 1729-1733) qui rencontrèrent un immense succès attesté par plusieurs rééditions et des traductions en anglais, allemand et latin..



1655 : Naissance le 16 janvier 1655 au château de Soulatgé (Aude). Baptème le 21 janvier.
1672 : Apprentissage du métier des armes à la citadelle de Perpignan.
1672 : Décès de son père.
1672-1674 : Il passe 2 ans au Régiment du Languedoc où se trouve son parent le Capitaine d'Hautpoul.
1674 : Décès de sa mère.
1674-1675 : Entrée au monastère de la daurade à Toulouse.
1676 : Admission à la profession le 13 mai 1676.
1676-1678 : Abbaye de Sorèze où il se consacre à l'apprentissage du Grec.
1676-1686 : Abbaye de Lagrasse.
1686-1687 : Monastère Sainte Croix où il apprend l'hébreu.
1687 : Départ pour l'Abbaye de Saint Germain des Près.
1690 : Publication de la "Vérité sur l'histoire de Judith".
1690-1698 : Bernard de Montfaucon travaille avec Dom Pouget et Dom Lopin sur les œuvres
           d'Anasthase. Cette publication passe pour un chef-d'œuvre.
1698-1701 : Parcours de l'Italie à la recherche de textes anciens.
1702 : Publication de "Diarum Italicum", récit de son voyage en Italie.
1708 : Publication, sous le titre de "Paléographie grecque"
1709 : Publication de la traduction du livre de Philon sur la vie contemplative.
1719 : Publication de "L'Antiquité expliquée".
1724 : Publication des 5 volumes complémentaires de "L'Antiquité expliquée".
1729 : Publication de "Les monuments de la monarchie Française" en 5 volumes.
1739 : Publication de "Bibliotheca bibliotheracum manuscriptum nova" en 2 volumes.


Bernard de Montfaucon, dans des notes biographiques écrites par lui-même, explique comment, dans le château familial de Roquetaillade, il a été amené à s'intéresser à l'histoire.

        " Le grand goût pour toutes sortes de littérature me prit dès l'âge de 14 ans ou 15 ans. Après que j'eus fini mes classes à Limoux, mon père me rappela au château de Roquetaillade, où je lus tous les livres, et surtout les historiens que je pus trouver : Le Plutarque, en français ; le Jérôme Osorius, aussi en français, contenant les navigations et les conquêtes des Portugais dans les Indes orientales. J'avais une si bonne mémoire que je retenais finalement tout, même les noms des provinces et des villes de Goa, de Calicaut, de Cochin et des autres qui se terminaient en or, Onor, Bangalore, Cananor, Oranganor et Travancore."

     " J'empruntais des livres de tous côtés. Un accident qui arriva m'en fit trouver une grande quantité. Il y avait un gentilhomme, cousin germain de mon père, nommé le baron de Mathes, qui, dès sa jeunesse, trop adonné à la lecture, achetait des livres de tous côtés et lisait perpétuellement, sans se mettre en peine de ses biens ni de ses terres. Son père, voyant bien qu'il laisserait tout perdre un jour, fit son testament, lui donna ses seigneuries et lui substitua mon père, qui était neveu. Le père vint à mourir, et son fils, toujours appliqué à la lecture, ne se donnant aucun souci ni de ses biens ni des affaires qui lui survenaient, laissa tout perdre, en sorte que tous ses biens étant saisis, il fut obligé de se retirer à Roquetaillade ; il y apporta tous ses livres, qu'il mit dans un grand coffre. Il demeurait six mois de l'année à Roquetaillade où il laissait toujours son coffre, et tous les six mois suivants, chez ses autres parents."

     "Un accident qui arriva au château de Roquetaillade me procura le plaisir et l'avantage de lire tous ces livres qui étaient dans un grand coffre. Un gros rat, qui avait percé un des coins du coffre, y entrait et rongeait les papiers et les livres dont les petits fragments sortaient par ce trou. Je m'aperçus de cela, et n'ayant point de clé pour l'ouvrir, j'allai ramasser toutes les clefs du château et j'en trouvai enfin une qui ouvrait le coffre. Je trouvai une infinité de livres sur l'histoire, un grand nombre sur l'histoire de France. Il y en avait aussi sur plusieurs matières, un en français sur la géomètrie d'Euclide. j'en lus le premier livre, et comme en lisant ces propositions avec attention, j'en comprenais enfin la plupart, ce livre m'aurait retenu plus longtemps si l'histoire ne l'avait enfin emporté."

     "Je lisais jusqu'à 7 ou 8 heures par jour les histoires de tous les pays, le livre des états et empires du monde, tous les historiens de France ; les autres histoires, en toutes langues, en italien et en espagnol ...La géographie faisait partie de mes principales préoccupations, les voyages des différents auteurs ; j'en ai lu un si grand nombre de tous les pays du monde que je m'étendrais beaucoup à rapporter seulement les noms de tous ces voyageurs".

Ailleurs, il raconte comment il fut amené au métier des armes :

     "Je pris alors congé de ma mère, de mon aîné et de mes autres frères en 1673 et je partis pour l'Allemagne avec mon proche parent nommé M. d'Hautpoul, capitaine du Régiment du Languedoc. Je servis deux ans en qualité de cadet volontaire dans l'armée de M. de Turenne. Je me trouvais à la plaine de Mariendal, lorsqu'il présenta bataille à Montecuculli. Mais ce général de l'Empereur, qui craignait, disait-on, notre infanterie, n'en voulût pas tâter, il se retira avec son armée au-delà du Main.
     J'y fis encore une autre campagne en 1674, à la fin de laquelle je tombai malade à Saverne. Pendant ma maladie, il y eut un combat auprès de Strasbourg, où mon capitaine et proche parent, M. d'Hautpoul, fut blessé à mort ; c'était le plus grand homme pour la taille de notre armée. On disait que le soldat allemand qui lui avait porté le coup de mousquet avait tiré trop haut, et que la balle, ayant passé par dessus un bataillon, avait donné dans sa mâchoire et dans sa gorge; le coup était mortel. Quoique malade moi-même, j'allai le voir dans son lit. Il me dit qu'il allait mourir dans peu de jours et m'exhorta de me retirer chez moi après sa mort, ce que je ne manquai pas de faire après avoir assisté à ses funérailles. Je m'en retournai donc dans mon pays, et peu de temps après mon arrivée, ma mère mourut à la fin de l'an 1674".

Sources : Bibliothèque Nationale. M. de Brooglie "Bernard de Montfaucon - Tome 1".  1891

       la congrégation de Saint-Maur     Montfaucon