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Né à Reims le 10 Juin 1657, baptisé en l'église Saint-Thimotée de Reims avec le prénom d'un saint local : Saint Thierry du Mont d'Or et mort à Hautvillers le 27 septembre 1709, Dom Thierry Ruinart appartenait à une honorable et ancienne famille marchande champenoise dont il était le sixième de neuf enfants dont trois suivront une vocation religieuse à l'instar de plusieurs autres membres de sa famille. Ses dix-sept premières années se passèrent dans sa ville natale où il obtint brillamment le diplôme de maître-es-arts (premier grade universitaire d'alors) en 1674. Attiré par la vie monastique, le 2 octobre de la même année il fut admis comme novice à l'abbaye de Saint-Rémi de Reims, fit profession en 1675, continua ses études à l'abbaye de Saint-Faron de Meaux, puis à l'abbaye Saint-Pierre de Corbie, à Saint-Denis et à Saint-Corneille de Compiègne, et se fit remarquer par son application à lire les Pères et les plus anciens monuments de l'histoire écclésiastique.
Sa prédilection en ce genre et son aptitude le firent désigner par les supérieurs de son ordre, à l'âge de 25 ans, pour coopérer aux travaux de dom Mabillon, champenois comme lui. Pendant 27 ans, il vivra en étroite relation avec ce dernier et l'accompagnera dans ses nombreux voyages de travail, en France (Tours, Clairvaux, Angers), en Alsace, en Lorraine, et même en Italie et en Allemagne.
Ce fut en 1682 qu'il fut accueilli à l'abbaye Saint-Germain-des-Prés par Dom Mabillon alors agé de 55 ans et qui acheva de le former. Il lui apprit le grec lui-même et fut pour lui un ami autant qu'un maître; le disciple répondit à ces soins par sa docilité, par ses progrès et surtout par une affection inaltérable. Dés lors il prit part à tous les travaux de son maître sans toutefois rien abdiquer de sa personnalité. En 1689 il publia son premier et l'un de ses meilleurs ouvrages «Acta Primorum Matyricum Sincera et Selecta» (Paris 1689; Amsterdam 1713; Vérone 1731; Augsbourg 1802-1803), œuvre courageuse mais qui devait soulever bien des animosités contre son auteur. A cette époque les mauristes et Dom Mabillon en premier passaient aux yeux des jésuites et du parti ultramontain pour des rationalistes et des novateurs dangereux.
Son livre eut cependant un grand succès attesté par les nombreuses rééditions et par la traduction en deux volumes qu'en donna Drouet de Maupertuis (Paris, 1708), laquelle eut aussi plusieurs éditions. Dom Ruinart publia ensuite une édition des textes relatifs à l'histoire de la persécution exercée par les Vandales sur les chrétiens d'Afrique.au cinquième siècle : «Historia persecutionis Vendalicæ» (Paris 1694), puis une belle édition de «Grégoire de Tours et de Frédégaire» (Paris 1699).

Cet ouvrage considérable, pour lequel il avait collationné tous les manuscrits accessibles de son temps, et qu'il enrichit de notes excellentes, lui coûta deux années de travail et fut reproduit presque en totalité par Dom Bouquet, par la société de l'Histoire de France et par l'Abbé Migne dans son «Cursus Patrologiae». Puis il publia l'opuscule «Apologie de la mission de Saint Maur, avec une addition touchant Saint Placide» (Paris 1702), traduit en latin pour être inséré à la fin du tome 1 des «Annales de l'Ordre de Saint Benoît» publiés par Dom Mabillon, et destiné à réfuter les doutes que Barnage et d'autres critiques avaient formulé relativement à certains faits historiques dont le souvenir était cher aux disciples de Saint Benoît.
Le temps et les soins du studieux bénédictin furent surtout consacrés à contribuer aux œuvres de Dom Mabillon, à les défendre dans diverses polémiques et à les poursuivre après la mort de celui-ci. C'est ainsi qu'il prit part aux derniers volumes des «Actes des saints de l'Ordre de Saint Benoît» et des «Annales», et qu'il fit, pour ces travaux, en 1696, un voyage de recherche en Lorraine et en Alsace au cours duquel, lors de son étape à Hautvillers sur le chemin du retour, il aurait rencontré le procureur de l'abbaye, dom Pérignon. La relation de ce voyage fut imprimée en 1724, longtemps après sa mort, parmi les œuvres posthumes de Dom Mabillon, avec deux autres opuscules de Dom Ruinart. En 1699 et 1703, Dom Mabillon et Dom Ruinart restèrent plusieurs mois à Reims et en profitèrent probablement pour visiter Hautvillers et son importante bibliothèque. D'ailleurs, leur vie durant, ils eurent pour principal interlocuteur et protecteur rémois l'archevêque Charles Maurice Le Tellier-Louvois (1642-1710), ministre de Louis XIV et grand admirateur de Dom Mabillon. Dom Ruinart prépara aussi la deuxième édition de la «Diplomatique» de Dom Mabillon (Paris 1709). Le jésuite Germon avait cru pouvoir attaquer les conclusions de l'auteur et déclarer faux les précieux diplomes mérovingiens, en partie écrits sur papyrus, que conservait l'abbaye de Saint-Denis. Dom Ruinart en démontra victorieusement et définitivement l'authenticité dans «Eclesia Parisiensis vindicata de antiquis regnum Francorum diplomatibus» (Paris 1706). Il recevait dans les lettres écrites, soit à son maître, soit à lui-même par les principaux savants de l'Europe, les témoignages de la plus légitime déférence. Il semble enfin avoir été particulièrement honoré et acueilli à la petite cour du roi Jacques II d'Angleterre réfugié à Saint-Germain-en-Laye. Son dernier travail fut un hommage rendu à son vénéré maître : «Abrégé de la vie de Mabillon» (Paris 1709) qui fut traduit en latin par dom Claude de Vic, un autre mauriste. Dom Ruinart passa les derniers temps de sa vie à rechercher de tous côtés et à recueuillir les lettres que Dom Mabillon avait écrites afin d'éditer un ouvrage plus considérable sur celui-ci, œuvre qu'il n'eut pas le temps d'achever.

Ayant été faire un voyage en Champagne pendant l'été de 1709 pour y chercher dans les bibliothèques des matériaux destinés à la continuation des «Annales de l'Ordre de Saint Benoît», il fut frappé d'une fièvre brutale alors qu'il revenait de Reims. Après dix-sept jours d'agonie et malgré les soins diligents de médecins accourus de Reims et les prières ordonnées par l'abbé commanditaire, Gaston de Noailles, évêque de Châlons, il mourut dans sa région natale à Saint-Pierre d'Hautvillers le 21 septembre. Aujourd'hui encore, sa pierre tombale, gravée d'une longue épitaphe à sa gloire, se trouve dans le chœur de l'église abbatiale d'Hautvillers (Cliquez pour plus de précisions). Dom Ruinart avait un frère à Reims, une sœur religieuse à Braine, deux nièces religieuses au couvent de la Merci-Dieu, et un de ses neveux novice à l'abbaye de Clairvaux.

       la congrégation de Saint-Maur     Montfaucon