Ce livre ne s'adresse pas au public. Il n'est rien de plus qu'un essai de diagnostic à l'usage de ceux qui, ayant le goût de l'ordre sous toutes ses formes, de cet ordre général sans lequel il n'y a pas plus de vie sociale que de vie individuelle possible, se plaisent à en mettre aussi dans leurs idées, reconnaissant que c'est dans l'esprit avant tout qu'il doit régner.
La vieille Chrétienté est actuellement dévorée par un mal qui grandit sans trêve depuis le XVIII
è siècle et qui, loin d'épargner les sociétés prétendument jeunes du Nouveau Monde, contamine aussi les vieilles sociétés de l'Orient et de l'Extrême-Orient, si réfractaires cependant à ses atteintes. Ce mal est en réalité moitié vieillesse, moitié, proprement maladie.
La vieillesse est commune à tous les êtres, sociaux ou individuels. Dans le cas de la société, le mal social par excellence, le mal démocratique ne l'accompagne pas nécessairement. Avant l'ère chrétienne il fut une singularité grecque ; mais lorsque ce mal s'établit et se développe, il modifie très sensiblement le cours de la vieillesse sociale qui, à son tour, mêle si intimement certains de ses caractères à ceux de la maladie dont elle favorise l'éclosion, qu'il est souvent fort difficile de distinguer ce qui appartient à l'une et ce qui appartient à l'autre. C'est parfois même impossible, les effets de chacune servant tour à tour de causes aux effets de l'autre dans un échange d'aggravations mutuelles parmi lesquelles il n'est pas d'attribution exclusive qui puisse être valablement faite. Toutefois, hors les cas où la vieillesse et la maladie se combinent et au point de se confondre, il existe un nombre infini de phénomènes dont on distingue nettement la nature et, en particulier, l'origine socialement morbide.
La maladie démocratique a de nos jours atteint un point de développement tel qu'elle a fait des ravages essentiels et irrémédiables. Quelle peut être dorénavant l'efficacité des remèdes possibles ? Rien n'autorise à nourrir plus que des espoirs extrêmement limités à cet égard. Cependant il demeure que définir le mal, en déterminer les causes, mesurer son étendue, le reconnaître partout où il se manifeste ouvertement, subrepticement ou sous un masque d'emprunt, n'est jamais un travail complètement inutile. La connaissance est toujours au début de la sagesse et à la racine de l'action.
Cet ouvrage est donc, avant tout, un recueil de signes cliniques. J'y ai noté ce que je discerne quant au stade de la maladie et à la tournure prise par son évolution, m'étant en général borné à mettre en ordre ce que mes contemporains m'ont donné d'eux à observer.
On ne trouvera rien ici d'original. Qu'est-ce donc que l'originalité, d'ailleurs, sinon la façon à soi que l'on a de présenter des idées éternelles ? Car toute création n'est qu'une transformation. Et rien n'est nouveau ; ni la démocratie qui vraisemblablement est aussi ancienne que la sottise, la folie, ou la mort ; ni les critiques véhémentes qu'on lui a toujours prodiguées, comme on maudit la Parque, sans l'arrêter pour autant. Je n'ai donc fait, dans cet ouvrage, que classer des phénomènes et des remarques que tout le monde peut faire au spectacle des mœurs du jour et des faits, grands et petits, qui s'imposent aux yeux de chacun ; puis je me suis efforcé d'en coordonner les conséquences, de montrer leurs liens, et de conclure selon l'évidence.
La tâche cependant n'est point si aisée. Classer les éléments d'un chaos est un travail difficile et ingrat. Et c'est bien de cela, en effet, qu'il s'agit. Dans sa déroute, jamais l'âme humaine n'a été si embrouillée ni si étrangère à elle-même. Il y a de tout, plus exactement, il traîne des lambeaux de tout dans les sentiments diffus et enchevêtrés des hommes de l'extrême décadence où nous sommes parvenus. Sur un grand fond d'idées chrétiennes, devenu très confus, se mêlent et s'entrecroisent des tendances monarchiques et républicaines, des sympathies conservatrices et des propensions destructrices, un patriotisme jacobin et des velléités internationalistes, des sentiments aristocratiques déformés et des sentiments démocratiques disparates, des goûts autoritaires et anarchistes, un matérialisme déjà désuet combiné avec une crédulité enfantine dans les utopies socialistes, une philosophie à la façon du XVIII
è siècle voisinant avec de menues superstitions en tous genres et jusqu'à des retours caricaturaux de paganisme, de vaines prétentions au réalisme aussi, contrastant avec un spiritualisme de pacotille ; et enfin, dominant l'ensemble, une démagogie véritablement sénile. Tout cela, par la force des choses, s'agitant dans un désordre moral sans nom, conséquence inéluctable de cette répudiation de toutes les disciplines, dont l'absence rend flasque l'âme de la société comme celle de l'individu, et enlève au caractère de l'une comme de l'autre ces contours précis, ces arrêtes vives qui, lors de leurs beaux temps, se traduisent dans leur allure physique et, malgré leur complexité naturelle, rendent l'ensemble de leur physionomie relativement facile à décrire.
Dans l'accomplissement de ce travail, afin de situer le degré de l'évolution marqué par les faits actuels, je suis rarement remonté au-delà du XVIII
è siècle, c'est-à-dire au-delà de l'époque où la maladie démocratique s'est définitivement emparée du corps social pour y évoluer sans discontinuité. Cela n'empêche, cependant, et il faut toujours le rappeler, que, depuis l'Antiquité grecque, le mal démocratique est resté à l'état latent chez les peuples de descendance et de civilisation greco-latines. Ces peuples, à leur tour, en ont semé le germe en terrain d'élection, dans l'âme brutale et molle à la fois, frustre et impressionnable, butée et naîvement crédule, des barbares du Nord. Ces nations, à jamais incomplètement civilisées, à-demi polies seulement quand elles subissent en vaincues l'influence intellectuelle et morale d'une latinité puissante, sont promptes aux extrêmes du dérèglement démocratique, dès qu'une discipline aristocratique rigide ne les protège plus contre les divagations de leur faiblesse foncière ; et il est advenu que ces dérèglements démocratiques dont elles avaient reçu d'eux le principe, elles les ont renvoyés à la décrépitude des peuples du Sud, impitoyablement perfectionnés et mis au point avec la lourde méthode qu'elles appliquent à tout, sous la forme d'instruments de torture sociale de précision.
Le mal démocratique a fait au cours des âges des poussées violentes dans la Rome antique ; il a inspiré la plupart des hérésies qu'a combattues le Moyen Age. Sous un autre aspect, il a causé alors des destructions complètes déjà, mais seulement locales, bornant ses ravages à une cité comme Ypres par exemple. Constamment d'ailleurs il a rappelé son existence par des voix dont les accents, plus ou moins affaiblis, sont venus cependant jusqu'à nous ; telles sont celles de Pierre Dubois au XIV
è siècle, de La Boétie, de Bodin, de Vauban plus tard, pour n'en point citer bien d'autres. Le mal démocratique s'est également manifesté par des agissements nombreux portant son caractère précis, non seulement chez les Albigeois ou chez les révoltés d'Etienne Marcel par exemple, mais encore chez les huguenots de la Renaissance, et, aussi chez les Ligueurs du même temps, car, sous la violence de l'opposition des principes, l'âme des hommes d'une même génération, présentant une complexion essentiellement identique, est accessible aux mêmes passions et obéit aux mêmes mouvements intimes. La recherche et l'exposition du cheminement de la démocratie avec ses longues retraites et ses brusques offensives, depuis Cléon jusqu'aux soi-disant philosophes du XVIII
è siècle, serait l'une des études historiques les plus intéressantes et les plus dignes d'être entreprises qui soient. Elle n'a point été faite dans son ensemble à ma connaissance. Même brièvement résumée, elle ne saurait trouver sa place ici. Complète, elle représente le travail encyclopédique de toute une vie, en une matière, par ailleurs, où les discriminations sont particulièrement délicates à faire.
D'autre part on trouvera dans les pages qui vont suivre, qu'il est parlé constamment de la démocratie comme de quelque chose qui existe en soi, à part d'autres principes et en opposition avec eux. C'est là une façon de s'exprimer dont la seule excuse est la facilité du discours, car, en réalité, la démocratie n'est rien autre que la caricature, la déformation, la mutilation et finalement la putréfaction de ce qui fut vif et sain ; elle n'est donc point un principe ; elle est la désagrégation des principes.
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Sans doute, parmi ceux-mêmes qui éprouvent pour la démocratie plus d'aversion que de sympathie, se trouvera-t-il plus d'un lecteur pour juger ce livre sévère. Ils ne sauront pas si bien dire. Dans toute la mesure, en effet, où ce qu'il contient est juste, c'est-à-dire conforme à la rigueur des faits, ce livre est forcément sévère, car il traite de l'opposition de deux principes, et, en matière de principe, il n'y a pas de justice sans sévérité, tandis qu'il n'est guère d'indulgence qui ne soit une injustice caractérisée. Seulement, dans l'esprit essentiellement transigeant des hommes de la décadence chrétienne, tout est en compromis, tout est en molles concessions. Prenant, pour jouir d'une paix qui n'existe pas ici bas mais dont la chimère répond à l'usure de leurs âmes, les moyens les plus sûrement impropres à la leur procurer, ceux-ci aimeraient qu'en des propos bénins, on leur accordât "qu'il y a tout de même de bonnes choses dans la démocratie", ou bien que "la démocratie serait le meilleur des régimes avec un bon gouvernement", et autres niaiseries ; tandis qu'en guise de réconfort, ils se complaisent à évoquer, dans la brume d'une demi-ignorance, les erreurs et les multiples défauts des régimes passés, en sorte de conclure que les choses ne vont pas plus mal aujourd'hui qu'à toute autre époque et donc qu'il n'y a nullement lieu de se plaindre spécialement. Cette attitude d'esprit, étant fort répandue, pose une question préalable qu'il importe dès l'abord de mettre au clair.
Se borner à l'étude des lois religieuses et civiles des peuples, c'est-à-dire à l'ensemble de leur éthique officielle, est non seulement insuffisant pour permettre de les juger, mais encore accrédite une foule d'erreurs et de contresens sur la réalité de leur existence ; car l'insistance des lois correspond souvent à des pratiques invétérées que les menaces de leur rigueur modèrent à peine tandis que certaines coutumes sont si généralement en honneur que la nécessité de légiférer à leur égard ne s'est jamais fait sentir, et qu'enfin nombre de textes publiés dans l'habituelle solennité des formes constituent des tentatives avortées ou mal venues qui demeurent dans les codes mais restent inappliquées ou bien sont détournées de leurs intentions. Ainsi, qui se borne à lire le Coran ne peut se faire une idée juste de la façon dont les Musulmans entendent la polygamie. Qui, dans un millier d'années, établirait son jugement sur la lecture de certaines prescriptions de l'Eglise, ou de certains édits royaux, se ferait une étrange opinion quant aux préjugés des nations catholiques concernant l'adultère de l'homme ou la pratique du duel.
Considérés seuls, les monuments législatifs des sociétés répondent au type de ces vérités incomplètes qui parfois deviennent aussi perfidement trompeuses que le mensonge même. Afin donc de connaître, avec autant d'exactitude que faire se peut, l'histoire d'un peuple, c'est-à-dire la représentation vivante de son évolution, il faut s'efforcer aussi de connaître ses mœurs et ses habitudes, et de pénétrer la structure intime de sa vie privée, ce qui est trois fois difficile : d'abord parce que les documents font constamment défaut, ou bien sont trop rares, ou bien encore douteux ; ensuite parce que la société, en évoluant, se modifie sensiblement à chaque génération et change nettement de physionomie environ tous les trente ans ; enfin, parce que, sous peine d'erreurs graves, il faut se garder d'apprécier l'âme des hommes d'un autre temps avec la mentalité du sien, ce qui ne va pas sans effort ; on le concevra si l'on se représente la peine qu'éprouvent déjà les Français d'aujourd'hui à se replacer dans l'esprit des contemporains de Louis Philippe ou de Napoléon III, sinon même de ceux de M.Loubet.
Or, dans la mesure où l'on peut reconstituer l'image animée de la vie des peuples ; pour tant que l'on soit sans illusion quant à la perfection possible des hommes et des institutions ; si convaincu soit-on que cette perfection qui ne fut jamais n'est qu'un rêve, pour la simple raison qu'elle supposerait une inconcevable stabilité dans son état ; on reste cependant étonné encore de la gaucherie, de la constance des tâtonnements, de la multiplicité des imperfections qui apparaissent dans le gouvernement des nations mêmes qui passent à juste titre pour avoir excellé dans l'art de s'organiser et de se conduire. Que de complications, que de contraintes pour obtenir des résultats si éphémères et si incomplets ! Que de subtilité mise en œuvre, que d'ingéniosité déployée pour produire de si médiocres effets ! Si l'on compare avec la sûreté de l'instinct des insectes vivants en société et l'active régularité de leurs habitudes tant d'efforts humains contrariés dont seul compte le solde fragile, tant de génie même, prodigués pour n'aboutir qu'à des à-peu-près passagers, traversés d'une foule d'absurdités, et sitôt affaiblis par toutes sortes de défaillances, on est profondément pénétré du sentiment que l'homme, dans sa prodigieuse complexité, est frappé d'une déchéance originelle, dont la doctrine chrétienne fournit une explication parfaite ; sans révéler toutefois pourquoi Dieu, dans son omnipotence, a fait l'homme capable de l'offenser, puis de le méconnaître, comme il a créé les anges capables de trahison et de révolte.
Quoi qu'il en soit néanmoins, il faut admettre l'humanité comme elle est, et, parmi la corruption et les abus qui sont de tous les temps parce qu'ils sont inhérents à la nature humaine, il faut reconnaître que les régimes aristocratiques des sociétés saines qui se développent ou se maintiennent ont tous, à coup sûr, beaucoup moins de défauts que de qualités, afin de permettre aux-dites sociétés de se développer ou de se maintenir. Il faut reconnaître surtout qu'ils sont adaptés au génie de ces sociétés (puisqu'ils en sont l'émanation) ; et dans l'ensemble, favorisant leur évolution incomparablement plus qu'ils ne la contrarient, il doit être tenu pour exact qu'ils leur conviennent à peu près.
Fort bien adaptée aussi à son objet qui est la destruction de la société, la démocratie est la déroute, la déliquescence en quelque sorte, de cet à-peu-près. Par définition, elle ne peut rien offrir dont la vie sociale puisse tirer profit.
L'instrument de la démocratie est le suffrage universel. Lorsqu'on observe dans ses conséquences cette conception délirante, saisi par l'insondable imbécillité de son principe, on s'abîme dans la réflexion, songeant qu'il n'y a rien d'absurde qu'en apparence et que tout a sa raison d'être dans l'ordre des choses. On finit alors par conclure que l'homme n'ayant personne sur la Terre au-dessus de lui pour le détruire quand il a assez vécu, la démocratie est l'un des moyens dont la nature lui a imposé l'usage pour le perdre. Si donc on se place à un point de vue supérieur à l'intérêt qu'ont les sociétés et les hommes de se conserver, on ne marchandera pas à la démocratie l'importance d'un rôle sans doute indispensable dans l'économie générale du monde. A ce titre, on peut même la considérer comme bienfaisante si l'on croit en savoir assez long pour se prononcer à ce sujet. Toutefois ce qui demeure indiscutable, c'est qu'à l'égard de la société qui doit vouloir instinctivement survivre comme de l'individu qui doit vouloir vivre, la démocratie est un mal comparable à la lèpre ou au cancer. Socialement, elle est le mal par excellence, le mal qu'annonce d'ailleurs un certain mélange, en des proportions variables, de tristesse, de laideur, de burlesque et de prétention, dominé par une extrême vulgarité, qui est propre à tout ce qui lui fait cortège ou porte son sceau.
Les faits n'ont jamais tort et rien n'est plus vain que de chercher à ruser avec eux. Au moment d'éclore, la vie est un ressort monté qui se détend sans cesse jusqu'à la mort. Il est donc détendu à tout âge, mais il l'est plus ou moins. Il y a un temps de jeunesse, un temps de maturité, un temps de déclin, un temps de vieillesse. Il est un état où l'être est plus sain que malsain et un autre état où il est plus malsain que sain ; il est un état où il est plus fort que faible et un état où il est plus faible que fort ; et il y a une infinité de degrés dans chaque état. Il faut donc se garder, en rapprochant des exceptions d'autrefois la funeste règle d'aujourd'hui, d'affecter la croyance que tout dans le corps social a toujours aussi mal fonctionné. Si c'était vrai, nul ne serait plus là pour le dire.
C'est précisément à éviter ces erreurs que sert le bon sens. C'est aussi à ne pas se persuader que la lèpre ou le cancer ont leur bon côté, et à reconnaître que la société démocratique ne marche tant bien que mal que dans la mesure où la démocratie n'y est point encore généralisée, ou bien y est suffisamment contenue. De même l'individu qui poursuit une existence active ne vit pas et n'agit pas grâce à de bons effets de son mal, mais bien parce que son mal n'a pas encore atteint le degré de développement qui éteindra sa vitalité et paralysera ses mouvements pour, finalement, le conduire au tombeau. Que l'on y réfléchisse avec quelque sérénité et que, par un procédé toujours fécond, l'on se demande si l'on peut soutenir valablement le contraire de ce que j'avance ici, et l'on s'apercevra qu'il est plus facile de dire que j'ai tort que de me le prouver.
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Si, à certains, ce livre doit paraître sévère pour la démocratie, à d'autres il pourra paraître injurieux. Rien, cependant, n'est plus éloigné de mes intentions et si, malgré cela, le fond seul du sujet suffit à lui donner cette apparence, je n'y puis malheureusement rien changer. C'est qu'en effet, afin de pouvoir se développer, la démocratie est obligée de produire dans les esprits une sorte de mirage qui, en confondant l'instinct de conservation humain, lui permet de prendre force et assure ses progrès. Il s'en suit qu'elle se montre extrêmement susceptible aussi longtemps que, n'ayant pas atteint la toute-puissance (qu'elle n'achève d'ailleurs jamais de conquérir), elle se voit l'objet d'un examen curieux et attentif. Intrinsèquement nocive, elle ne redoute rien tant que l'analyse ; car elle est instinctivement avertie que la définir c'est la condamner. En fait, on chercherait vainement à son égard une insulte qui vaille la simple énumération de ses résultats. Et le pire est pour la démocratie que ces offenses - qui ne sont que de banales vérités - elle est vouée à ne pouvoir ni les interdire, ni les venger sans en confirmer tapageusement l'exactitude et répandre ce qu'elle entend précisément éviter qu'on lui attribue. Elle évoque alors dans ce rôle quelqu'image de la Mort travestie, rôdant parmi les vivants, et qui, pour faire taire l'indiscret qui la démasque, doit brandir la faux qu'elle dissimulait sous les plis de son manteau romantique.
Au surplus, à qui donc appartient la faute ? Est-ce à celui qui dénonce le mal ou à ceux qui le font ?
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Cet ouvrage a été écrit avec toujours présentes à l'idée, les deux maximes de Spinoza (1) et d'Horace (2) qui, s'inspirant l'une de l'autre, se complètent jusqu'à la perfection, en sorte qu'on peut les joindre en les traduisant : "Ne s'étonner de rien ; ne se point indigner, ne se point lamenter, mais comprendre." Puisse le lecteur aborder dans cet esprit les pages qui vont suivre.
(1) Non indignari nec flere sed intelligere. De Emendatione.
(2) Nil admirari. - A Numicius. Epîtres I, 6.
Paris, 21 janvier 1949.