L'habitude a été prise, depuis quelques lustres, de rendre les Juifs en grande partie responsables de la dégénérescence chrétienne. Il y a là un point de vue faux et, de la part des Chrétiens, la recherche d'une mauvaise excuse.
Sacrifiant donc à cette habitude de l'esprit, on pourrait m'accuser de n'avoir pas tenu compte, dans l'ouvrage qu'on vient de lire, de l'action juive sur la civilisation chrétienne, ou bien d'avoir esquivé la question. L'idée, en effet, ne m'est pas venue de la traiter, parce que j'ai envisagé ici l'évolution du vieux monde chrétien, qui n'a emprunté ses divagations actuelles à personne (aux Juifs moins qu'à tout autre peuple) et qui est seul responsable de ses aberrations ; quel que soit le profit que d'autres en puissent tirer. Toutefois, pour satisfaire d'avance aux objections qui pourraient m'être faites à ce sujet avec une apparence de raison, je transcris ici, en manière de réponse anticipée, ce que j'ai écrit sur Israël dans un ouvrage antérieur à celui-ci et encore inédit : «
Réflexions sur les phénomènes de la vie et sur l'évolution des sociétés humaines » (Tome I - Ch. IV - § 5 « Le peuple Juif »), à propos de la longévité des sociétés orientales.
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Parmi les sociétés orientales dotées de cette longévité et de cette résistance, le peuple juif offre un exemple si singulier qu'on ne saurait manquer de s'y arrêter (1).
Fort doué dans l'ensemble, quoiqu'en général sans originalité, pour les sciences, pour les lettres, pour les arts (excepté les arts plastiques), pour la philosophie (2), pour le négoce, le peuple juif est exceptionnellement dénué de dons politiques. Ce n'est pas à dire qu'ici et là, il n'ait pas fourni quelques hommes d'Etat de valeur à des nations auxquelles une solide armature politique permettait d'employer sans danger leurs talents (3) mais, ce qui le caractérise particulièrement est son impuissance politique au sens le plus élevé du mot. c'est-à-dire l'incapacité congénitale dont il est frappé de former, d'administrer et de défendre un Etat, même mal. Sous ce rapport, toutes les vertus politiques lui manquent, y compris les vertus guerrières qui en font partie. Cependant, après des tribulations et des souffrances plus de deux fois millénaires, resté sans territoire, sans lien politique d'aucune sorte, disséminé dans le monde entier, il s'est conservé comme peuple, à l'état de formation à la fois diluée et homogène très nette, bien qu'en quelque sorte inorganique ; il s'est conservé avec des caractéristiques, bien plus encore morales que physiques, parfaitement délimitées, et une incontestable cohésion ; il est demeuré une personnalité et une force parmi les sociétés. Ce serait là un prodige, s'il en pouvait exister, dont aucun peuple occidental n'eût été capable. Répandu dans une grande partie de l'Univers, nomade errant parmi les nations les plus diverses, il s'est incrusté fort longtemps parfois en certains lieux lorsqu'ils offraient un terrain d'élection à son activité ; rarement, il a fourni a une population une partie appréciable de son sang, toujours il est resté lui-même, avec une certaine plasticité superficielle qui l'accrédite et peut, au besoin, faire illusion, mais foncièrement réfractaire à toute assimilation définitive. C'est là une force tout à fait remarquable. D'où lui vient-elle ?
Essentiellement conservateur, de complexion essentiellement aristocratique aussi, à la manière antique, comme
tous les Orientaux, le Juif possède, comme eux aussi, un tempérament très mystique qui a conservé à ses principes religieux une fidélité que les Occidentaux modernes ne gardent pas aux leurs, et dont il a tiré, au cours des âges, le meilleur de sa force. Là est le secret de sa résistance. Formant toute son éthique, composant sa loi, se confondant avec son statut personnel, maintenant son régime patriarcal, sa religion a tenu lieu à Israël de tout ce qui lui a manqué ; elle a été surtout le lien unique et puissant de ses membres à travers le temps et à travers l'espace ; elle est la preuve, enfin, de ce que l'amour d'une société pour elle-même peut faire d'une religion, et du rôle que cette religion peut jouer, à son tour, dans la conservation de la société. On conçoit, cependant, qu'une telle volonté de vivre, servie par un instinct de conservation collectif aussi tenace, s'il provoque l'admiration, éveille surtout le sentiment d'une menace constante planant sur les sociétés occidentales en proie au mal d'une désagrégation croissante ; sociétés dans lesquelles les Juifs sont installés, au détriment desquelles ils ne peuvent pas ne pas s'efforcer de vivre et de prospérer si possible, et pour lesquelles, au premier signe de dégénérescence sérieux, l'action juive devient une faiblesse supplémentaire.
Il n'est question ici que des sociétés occidentales, bien que les Juifs, pour des raisons historiques, se soient répandus dans quelques sociétés du proche Orient et en Afrique du Nord, parmi des peuples sémites comme eux et, à la fois, très différents. C'est qu'en effet, d'instinct, le Juif s'est porté vers l'Occident. Dans l'Orient, d'ailleurs surpeuplé, il se serait trouvé en présence de populations qui, sur le terrain de ses activités, lui sont au moins égales et souvent supérieures. En Occident, au contraire, au milieu d'hommes plus nerveux, sujets à des alternatives plus amples de férocité et de laisser-aller, sinon d'apathie, généralement accaparés par la guerre et souvent enclins, tout en aimant le luxe, à négliger l'activité mercantile par inaptitude ou par mépris, le Juif a trouvé dès l'abord à se tailler une place. Ici il a fait le commerce de peuples qui n'en ont pas le goût ; là il a comblé de son intelligence les lacunes de peuples médiocrement doués ; ou bien simplement il a juxtaposé certains de ses talents à ceux de nations assez fortement constituées pour le tolérer en limitant son développement et son champ d'action.
Doué d'un amour de soi d'autant plus vif et exclusif qu'il est déchargé, en ce qui les concerne, des soucis matériels que la vie collective fait si lourdement peser sur l'individu membre d'une société organisée, le Juif tend naturellement, afin de se mieux conserver, à débiliter le milieu sur lequel il vit. Aussi, dès que l'occasion se présente de le faire sans risque, contribue-t-il de tout son pouvoir à une dissolution qu'il ne saurait faire naître, mais dont son intérêt lui ordonne de profiter en l'aggravant. Pour des raisons semblables, le Juif, auquel les luttes chrétiennes (4) sont étrangères et qui n'a aucun motif d'ajouter à ses sentiments et à ses passions, des passions et des sentiments qui non seulement ne sont pas les siens mais encore sont généralement contraires aux siens, ne se mêle-t-il des affaires publiques des Chrétiens, lorsqu'il lui est permis de le faire, que pour y chercher un bénéfice et en tourner la politique à son profit. De même se dérobe-t-il, dans toute la mesure du possible, à des charges de toutes natures, contribuant à maintenir une force qui ne lui appartient pas et qui, en se développant, ne peut que le molester. On ne saurait, philosophiquement parlant, en vouloir à des hommes de combattre, selon les moyens dont ils disposent, les institutions qu'ils ont lieu de considérer comme hostiles à leur expansion. Ce sont là des réactions si logiques et banales de l'instinct qu'elles n'ont rien de spécifiquement juif et seraient aussi bien le fait de tout autre peuple de nature résistante placé dans des circonstances analogues (5).
Il serait inconcevable qu'Israël, pour sa part, agisse autrement ; socialement, cela équivaudrait à un suicide. On ne comprendrait pas davantage que les peuples chez lesquels il vit ne se fussent pas défendus de lui comme d'un ennemi d'autant plus redoutable que sa présence continuelle rend son action plus aisée et insidieuse.
Les hommes n'ont pas de pire ennemi qu'eux-mêmes et la nature, en les créant, semble avoir pris soin de placer toujours en eux, afin d'assurer à autrui les chances d'un minimum de sécurité, des défauts destinés à balancer les excès de leurs qualités et, inversement, des qualités sans lesquelles leurs défauts ne leur permettraient pas de survivre. Il en est ainsi des Juifs. Envahissants par nature, cherchant toujours à passer le but, ils n'ont pas le succès discret et se signalent aussitôt à la méfiance de l'adversaire qu'ils irritent par leur outrecuidance. Encombrants dans la bonne fortune, tapageurs dans le triomphe, ils appellent, en les exaspérant, la réaction violente de leurs victimes. Dénués, d'ailleurs, de tout courage physique, ils rendent la répression matériellement très facile. Humbles et souples dans l'adversité, ils se liquéfient, pour ainsi dire, dans la mauvaise fortune et se sauvent en disparaissant momentanément pour sourdre ailleurs, toujours plus entreprenants. C'est ainsi qu'Israël distille par sa seule présence un anti-sémitisme (6) aussi ancien que ses tribulations et, par conséquent, antérieur à l'ère chrétienne. Il en eut à subir les conséquences sévères en Egypte. Il en fut également victime dans la Rome païenne (qui, de surcroît, le confondit ensuite dans ses persécutions, durant un assez long temps, avec les Chrétiens). Il provoqua les sanglantes réactions des Musulmans. Il eut, enfin, à faire aux Chrétiens.
La Chrétienté est une société de nations, c'est-à-dire un ensemble d'Etats provenant en majeure partie du morcellement de l'Empire romain et procédant spirituellement de lui ; Etats sensiblement de même âge, plus ou moins apparentés ou bien, si l'on peut dire, frères de lait, élevés dans les mêmes principes généraux, avec des traditions analogues et ayant conservé, au milieu des luttes continuelles qui sont le fait éternel des oppositions d'intérêts entre parents ou voisins, la même façon à peu près d'envisager les mêmes choses essentielles et de se comporter dans les mêmes circonstances. La Chrétienté étant avant tout chrétienne, en ce qui concerne singulièrement l'action tendant à comprimer Israël, c'est sur le plan religieux que la lutte s'est placée. C'est aussi le seul sur lequel elle puisse se dérouler avec succès. A partir de l'idée religieuse, en effet, tout se déduit logiquement dans la défense des Chrétiens contre les Juifs, et la barrière traditionnellement dressée devant leur incursion dans certains domaines se pouvait maintenir sans peine. Un fait banal et très important permet de s'en rendre compte : les registres des paroisses tenant jadis lieu d'état civil, les Juifs n'en avaient pas et se trouvaient ainsi dès la naissance, à proprement parler, excommuniés, c'est-à-dire, dans leur cas, mis en marge de la société, hors de la communauté. On mesure d'un coup d'œil toutes les conséquences de cet ordre de choses si simple en soi. (Il en était de même, du reste, dans les Etats musulmans). Dans les cas, très mesurés, où individuellement les Juifs étaient admis au baptême, ils étaient alors nettement perdus pour les Israélites et acquis puis assimilés par les Chrétiens. L'accueil de ceux-ci en tant que société forte était une faveur accordée non sans gage et motifs ; elle impliquait un don de soi sans arrière-pensée d'une part et une prise de possession complète de l'autre, en des circonstances telles que la loyauté était absolue des deux côtés ; ne serait-ce que faute d'intérêt à ne l'être pas.
Cette unité relative de sentiments dans la Chrétienté, s'est traduite par des réactions à peu près semblables à des époques sensiblement voisines, soit contre, soit en faveur des Juifs.
Lorsqu'après 1789 l'abandon des principes a gagné de proche en proche tout le monde chrétien, le dépouillant progressivement de son revêtement de préjugés protecteurs et le rendant perméable à toutes les influences hétérogènes ou ennemies, le peuple juif s'est dilaté en affluant là où la faiblesse sociale lui faisait place. Il s'est insinué d'abord, puis il a envahi les rouages de la société si rapidement que, devant la gravité du péril, une question juive s'est posée de nouveau. Placée alors sur le terrain laïc et purement civil, cette question revêt, de nos jours, une forme sous laquelle elle demeure pratiquement insoluble. En se privant volontairement de cette arme fondamentale et sans réplique qu'est l'argument religieux, indiscutable par nature, la Chrétienté se trouve placée entre deux alternatives : d'une part l'impossible abdication qui découle de certaines théories empruntées à la religion chrétienne et déformées sinon caricaturées par l'hérésie démocratique ; d'autre part l'invocation de doctrines trop artificielles et spécieuses, comme le racisme, pour être généralisées et avoir raison des intérêts matériels considérables que la question juive met aujourd'hui en mouvement. Il en est résulté que depuis un demi-siècle, l'indifférence ou le pro-sémitisme intellectuel sont allés de pair, dans une incohérence complète, avec un anti-sémitisme violent et sans base, dont les actions locales ou, en tous cas, circonscrites, se sont toujours montrées maladroites et, pour cruelles qu'elles aient été parfois, n'en ont appelé et n'en appelleront que des réactions plus redoutables (7). L'incursion des Juifs dans le domaine des organes importants ou essentiels de la société chrétienne ne pouvait être efficacement combattue et durablement interdite, répétons-le, que par le jeu de préjugés tirant leur force de la foi religieuse et répandus en sorte que l'attitude des Chrétiens à leur égard fût réglée à peu près uniformément. La foi ayant disparu ou s'étant amollie, aucune force ne reste à opposer à Israël qui soit au moins égale à la sienne, et les choses en sont désormais à ce point que les Juifs, par les situations dans lesquelles ils sont parvenus à se fortifier grâce à la carence chrétienne, sont destinés à voir toute action, forcément fragmentaire, entreprise contre eux, tourner finalement à leur avantage.
C'est ainsi qu'à une époque où ils se rendaient de plus en plus difficilement supportables à une grande partie de l'Univers, le racisme allemand aura rendu aux Juifs un service éminent. En persécutant, en anéantissant parmi eux les sujets les plus inoffensifs, les plus dépourvus d'entregent et de moyens de toutes sortes, puisqu'ils sont demeurés sans fuir un danger qui avait fait ses preuves, eux si prompts à se mouvoir parce que sans racines nulle part, les Allemands ont allégé Israël d'une foule de non-valeurs dont beaucoup auraient grevé un jour ses œuvres charitables, et contribuaient d'ailleurs à le discréditer. Aux yeux d'un monde qui ne connaît guère de milieu entre un égoïsme sordide et une émotivité sénile, ils ont doté de l'auréole du martyr les éléments indemnes et les plus actifs, puisqu'ils ont émigré, d'un peuple qui saura en tirer parti avec le dernier acharnement. Ils auront légitimé des vengeances qui seront d'une cruauté impitoyable dès qu'elles pourront s'exercer sans danger. Ils ont enfin créé une sorte de droit de cité moral, qu'ils n'avaient jamais eu, à des Juifs sélectionnés par leurs soins autant que faire se pouvait. On ne peut guère concevoir de conduite plus impolitique par rapport à la doctrine qu'elle prétend servir.
Les Allemands avaient déjà commis la présomptueuse imprudence de se priver d'Israélites de valeur en les chassant de leur territoire, alors que les Juifs, unis à eux par les liens d'une vieille habitude et d'une indiscutable sympathie mutuelle, avaient été longtemps parmi les meilleurs propagandistes de leurs théories pangermanistes. De la part d'un peuple plus studieux et méthodique qu'intelligent, cela aurait en tous temps constitué un luxe au-dessus de ses moyens ; à plus forte raison, lorsque ce peupie, après les malheurs de sa défaite, s'étant adonné presqu'uniquement aux exercices guerriers, a cessé de renouveler son état-major intellectuel et vit en majeure partie sur son capital, c'est-à-dire sur l'acquis des générations antérieures déjà mûres ou presque caduques. S'ils s'en étaient tenus là et n'avaient pas fait franchir leurs frontières à leur anti-sémitisme, avec leurs armées, les Allemands auraient trouvé dans les Juifs, trop heureux d'être rassurés sur leur sort, et déliés d'ailleurs de tout scrupule par la débâcle, des collaborateurs très actifs qu'aucun des préjugés patriotiques (devenus si légers à tant, de Chrétiens) n'aurait légitimement pu entraver. En agissant à l'inverse, ils ont pu séduire l'irréflexion, l'ambition ou la cupidité d'un certain nombre de Chrétiens qui, tout compte fait, ne leur auront pas servi à grand'chose, tandis qu'ils se sont privés de concours précieux qui se sont tournés contre eux et dont ils auraient pu profiter, quitte, le résultat obtenu, à les payer de la plus noire ingratitude, dans la mesure où leur force le leur eût permis (8).
Les Juifs ont survécu à Rome, leur cadette ; ils ont conservé au milieu des tares physiques et morales qui assaillent leur grand âge, un ressort supérieur à celui du vieux monde agonisant. Quel sera leur avenir ? Demain les Etats-Unis, qu'ils obsèdent de leur activité toujours turbulente, se débarrasseront-ils d'eux en partie en les renvoyant en Europe, comme mandataires de leurs intérêts ? Et en Europe que deviendront-ils ? Il est possible sinon probable qu'ils y dégénéreront définitivement et s'y transformeront dans un temps plus ou moins long.
Seuls ceux demeurés de véritables Israélites ont été envisagés dans les lignes qui précèdent, mais il y a d'autres éléments parmi les Juifs. L'indifférence religieuse des Chrétiens n'a pas été sans les contaminer ; beaucoup, devenus indifférents eux-mêmes, sont à peu près perdus pour Israël, sans être pour cela, d'ailleurs, gagnés pour les Chrétiens. Au premier danger, cependant, ils font encore bloc avec les premiers, guidés par un instinct profond de leurs intérêts ou par un simple réflexe. D'autres, de caractère plus mou, ont adopté sincèrement l'essentiel de la mentalité, elle-même amollie, du pays chrétien dans lequel ils vivent. Ils sont rares, il est vrai, et ce sont généralement des Juifs du Sud ; c'est, d'ailleurs, d'un intérêt rétrospectif si le monde qui vient ne doit plus connaître les sentiments nationaux de nos pères, sinon comme prétexte de divisions, et si l'amour-propre social de l'avenir doit se situer sur un plan géométriquement plus vaste. Au demeurant, l'idée qu'après les événements actuels se feront de l'Europe les jeunes générations juives sera celle d'un continent où les uns ont persécuté leurs pères, où les autres ne les ont pas défendus qui les en flattaient la veille ; elles haïront la cruauté des premiers, mépriseront l'impuissance et la versatilité des seconds et n'auront à respecter la force de personne. La leur cependant ira décroissant. Il est incontestable, en effet, que la décomposition ambiante a profondément attaqué les Juifs aussi. La décadence qui leur était nécessaire autour d'eux pour se développer les a atteints eux-mêmes dans leurs mœurs et leurs traditions, si foncièrement étrangères à toute idée d'égalité, en répandant cette atmosphère de facilité démocratique qui parvient invinciblement à tout désagréger, à tout corrompre. Les Juifs ont été de grands corrupteurs des Chrétiens dés que ceux-ci se sont affaiblis et ont commencé à se décomposer car, somme toute, on a aussi le Juif que l'on mérite. Quoi qu'il en soit, on ne manie jamais un poison social sans en être victime tôt ou tard. C'est l'inévitable retour des choses d'ici-bas.
La flamme de la vie d'un monde vacille en s'éteignant et nulle autre ne prend son éclat. Tant d'incohérences se produiront dans l'entrecroisement, dans la cohue des intérêts futurs, qu'il est impossible de rien imaginer de précis. Les préjugés changeant aussi (9) en ce qui concerne les Juifs, ceux-ci disparaîtront-ils, comme formation caractérisée, en se fondant dans le gigantesque creuset des bouleversements actuels pour contribuer à former des générations d'hommes sensiblement différentes de celles qui s'engloutissent dans le chaos du siècle ? Que résultera-t-il du mélange des races dont, pour nombre d'entre elles, les événements ont récemment éclairci et éclairciront encore beaucoup les rangs ? C'est le mystère de la naissance et de l'évolution : c'est le secret de l'avenir.
(Ecrit en 1943.)
(1) La langue courante, pleine de toutes sortes d'enseignements, offre une preuve négative de cette vieillesse d'Israël : on a, en effet, abreuvé les Juifs de toutes les injures imaginables ; on les a traités de tous les noms ; cependant l'idée n'est jamais venue de les appeler « barbares ». C'est là un signe très caractéristique.
(2) Il est à noter, en effet, que les Juifs sont d'excellents exécutants, qu'ils perfectionnent et savent tirer parti des inventions et les adapter, mais qu'ils ont donné fort peu de génies dans tous les genres. Lorsqu'on a cité Spinoza comme philosophe, Heine comme poète et M. Einstein comme mathématicien, on reste court. Encore convient-il d'observer, à propos de M. Einstein, qu'autour de son nom, une véritable publicité aura été faite et entretenue, que jamais Maxwell et Lorenz, par exemple, n'ont connue. Il ne faut pas oublier que les Juifs sont depuis de longs siècles en pleine décadence et en butte à des malheurs sans cesse renouvelés ; mais il est vrai aussi que le cerveau juif, extrêmement mystique, est naturellement alambiqué, abstrait et volontiers confus.
(3) Disraeli (qui n'a été ni un Richelieu ni un Bismarck) est, là encore, l'unique exemple que nous offrent les temps modernes ; dans le genre second ne l'oublions pas. Cet exemple prouve surtout quelle liberté une constitution fortement aristocratique donne à une nation pour employer et assimiler les talents quelle que soit leur origine.
(4) Ou autres. Il en est de même dans les pays musulmans ; il en fut de même dans l'Antiquité.
(5) Pour être juste il faut reconnaître que, la situation étant retournée en doigt de gant, les Français, les Anglais, les Hollandais ou les Américains n'ont pas agi autrement en Extrême-Orient et ont joué des passions politiques de la décadence des peuples chez lesquels ils ont pris pied au mieux de leurs intérêts ; ils n'y ont jamais considéré les sentiments et les luttes de ces peuples autrement que sous l'angle du profit qu'ils en peuvent tirer. Sur le Continent même, les Anglais n'ont pas eu d'autre politique pendant près d'un millénaire.
(6) J'emploie ce mot consacré par l'usage bien qu'il soit inexact et renferme une équivoque. C'est anti-judaïsme qu'il conviendrait de dire.
(7) Il est indiscutable d'ailleurs qu'en dehors de toute idée religieuse ou politique, livré à son seul instinct, le Chrétien placé au contact du Juif se montre foncièrement anti-juif et manifeste son sentiment, suivant les circonstances, par la violence, le mépris ou l'ironie. C'est, pour le Chrétien, sa réaction naturelle ; le sentiment populaire à cet égard est très significatif.
(8) C'est là, vraisemblablement, le genre de reconnaissance qui menace Israël de la part des Russes lesquels, doués d'une toute autre finesse et de bien plus de duplicité que les Allemands, réservent certainement aux Juifs pour le jour où ils n'en auront plus besoin, les manifestations des sentiments pan-slaves qu'ils ont repris avec la plus extrême violence et dont, à la fois, la nécessité et le mépris du Juif sont l'un des traits caractéristiques.
(9) Jamais les sentiments à l'égard d'un principe ne sont aussi près de l'extrême opposé que lorsqu'après une longue existence, ils se manifestent avec les excès d'une passion anormale. Tout ce qui passe la mesure a quelque chose d'artificiel et de malsain qui, afin que se rétablisse l'équilibre en voie de se rompre, le destine d'abord à être annulé par une réaction en sens inverse dont la rapidité et la démesure sont proportionnées à l'action. C'est ainsi que l'excès d'ordre appelle toujours une période d'anarchie, et inversement ; c'est ainsi que l'excès de vertu confine à celui du vice, l'excès d'amour de la patrie à la négation de l'idée de patrie, etc... Il semble qu'en certains cas la nature, lorsqu'elle veut détruire une idée, la fasse vibrer en un paroxysme morbide qui épuise et brise les forces des hommes en leur inspirant longtemps pour elle cette sorte de dégoût qui suit la lassitude des orgies.